L’écrivain égyptien de renom Sonallah Ibrahim est décédé le mercredi 13 août à l’âge de 88 ans, des suites d’une maladie, a annoncé le ministère égyptien de la Culture. « Nous avons perdu une figure littéraire exceptionnelle », a réagi le ministre Ahmed Fouad Hanno, rendant hommage à cet auteur qui « laisse derrière lui un patrimoine littéraire et humain intemporel ».
Né au Caire en 1937, Sonallah Ibrahim s’est imposé comme l’un des écrivains les plus critiques du monde arabe postcolonial. Sa plume s’est dressée contre la répression, les soubresauts politiques, le néolibéralisme et l’hégémonie occidentale, notamment dans son pays natal.
Entre fiction et documentaire
Son style épuré, presque documentaire, a traversé les frontières : nombre de ses romans ont été traduits en anglais et en français. Parmi ses œuvres les plus célèbres, on peut citer Beirut, Beirut (1984), plongée dans les ravages de la guerre civile libanaise, Charaf (Paru en France en 1999 chez Sindab traduit par Richard Jacquemond), distingué en 1998 par le prix de la meilleure œuvre romanesque égyptienne, ou encore Zaat. Paru en 1992, l'ouvrage brosse le portrait de l’Égypte contemporaine — de la chute de la monarchie en 1952 aux années néolibérales sous le président Hosni Moubarak — à travers le regard ordinaire d’une femme de la classe moyenne. Adapté en série en 2013, le livre a su trouver un écho particulier auprès de la jeunesse égyptienne marquée par le Printemps arabe en 2011.
De la prison à la reconnaissance internationale
Frondeur de longue date, Sonallah Ibrahim a connu l’emprisonnement en raison de ses convictions de gauche sous le régime de Gamal Abdel Nasser — cinq années de détention qui nourriront son premier roman longtemps interdit, Cette odeur-là (1966. Paru en France en 1992 chez Actes Sud, traduit par Richard Jacquemond).
En 2003, il refusa un prestigieux prix littéraire offert par le gouvernement Moubarak, dénonçant un pouvoir qui, selon lui, « opprime son peuple, entretient la corruption et tolère la présence d’un ambassadeur israélien alors qu’Israël tue et viole », en référence aux abus présumés commis dans les Territoires palestiniens pendant la deuxième intifada (« soulèvement » en arabe).
Des récits ancrés dans l’histoire contemporaine de l’Égypte
Dans ses écrits les plus marquants figurent également Le Comité (1981. Paru en France en 1992 chez Actes Sud, traduit par Yves Gonzalez-Quijano), satire kafkaïenne de la bureaucratie et de la surveillance, et Le Petit Voyeur (2007, paru en France en 1992 chez Actes Sud traduit par Richard Jacquemond), récit semi-autobiographique de son enfance durant la Seconde Guerre mondiale.