Les souffrances d'un peuple. Avec son régime communiste converti aux attraits du capitalisme et sa chasse effrénée aux dollars, le Vietnam ne fait plus guère parler de lui, au point qu'on en oublierait presque, comme ses jeunes générations, son histoire douloureuse, de la colonisation à la guerre contre les Américains, dont les conséquences se font toujours sentir.
L'écrivain André Bouny, qui a en quelque sorte voué sa vie au Vietnam et aux Vietnamiens, n'a, lui, rien oublié. Tôt engagé contre la guerre, père adoptif d'enfants vietnamiens, il est l'auteur, entre autres, d'un essai qui fit grand bruit, Agent orange, Apocalypse Viêt Nam (Éditions Demi-Lune, 2010), dénonçant la guerre chimique soutenue par les multinationales américaines. Il rassemble aujourd'hui en un recueil treize de ses nouvelles « vietnamiennes », dont certaines déjà publiées sous une autre forme. Elles se déroulent de la période coloniale (« L'apprentissage », qui se passe en 1926, où un directeur nouvellement nommé d'une plantation d'hévéas va découvrir toute l'inhumanité de son patron) à 2014, avec « Éclats de vies », justement sur les victimes de l'agent orange. Le sommet de la série est sans doute la nouvelle éponyme du livre, « Les neuf fils de madame Thu », qui raconte comment cette vieille femme, rendue à moitié folle par le malheur et la souffrance, attend encore le retour d'au moins un de ses huit fils dévorés par la guerre. Le neuvième, lui, Mon, a été tué dans son lit, d'une balle perdue...
Des descriptions crues, parfois insoutenables, une lecture abrupte, afin que nul n'ignore et jamais ne pardonne la barbarie.
Les neuf fils de madame Thu
Éditions du Canoë
Tirage: NC
Prix: 18 € ; 224 p.
ISBN: 9782487558076