Thierry Paul Millemann est l'auteur de l'ouvrage intitulé Ondes et énergies cérébrales dans la physique quantique. L’immortalité dans un monde parallèle, mais bien réel qui posait une question fondamentale : « Qui sommes-nous réellement et quelle est notre destinée exacte ? » Vaste sujet. Pour y répondre et éclairer le monde, il avait conclu un contrat d'édition avec la société Editions Verone en novembre 2022, et l'ouvrage a été publié en février 2023. Le litige est né après que l'éditeur a adressé à l'auteur la première reddition des comptes en février 2024, que M. Thierry Paul Millemann a contesté en sollicitant des pièces supplémentaires. En juin 2024, il a assigné la société Éditions Vérone devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris pour obtenir notamment une mesure d'expertise sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile. Par une ordonnance contradictoire de janvier 2025, le juge des référés a rejeté la demande d'expertise fondée sur l'article 145. Il a alors fait appel.
La vente de livres en France : une affaire d’ondes et d’énergies commerciales
Thierry Paul Millemann demandait à la Cour d'appel d'ordonner une mission à un expert dont la mission aurait été de déterminer l'état des comptes des ventes de son ouvrage ; cet état des comptes devant mentionner de manière détaillée les informations suivantes :
- Le nombre d'exemplaires fabriqués, en stock, vendus (y compris via librairies en France, Belgique, et Canada sous contrôle de Hachette Livre), hors droits et détruits, pour les années 2022, 2023 et 2024 (arrêtée au 31 mai 2024).
- Les revenus issus de la vente numérique à l'unité et des autres modes d'exploitation, avec des décomptes détaillés des ventes e-book et Kindle via des plateformes comme Amazon, Fnac, Rakuten, etc.
- La liste des cessions de droits réalisées, le montant des redevances dues ou versées à l'auteur, ainsi que les assiettes et taux des rémunérations prévues au contrat d'édition, avec une partie spécifique consacrée à l'exploitation numérique.
Sans doute plus au fait des ondes et des énergies cérébrales que de la réalité des ventes de livres en France, Thierry Paul Millemann ne pouvait comprendre que le chiffre de ventes présenté par l'éditeur était très faible par rapport au classement de son ouvrage sur le site Amazon (entre la première et la quatorzième place des meilleures ventes de certaines rubriques). Il contestait l'opposabilité de la pièce communiquée par l'éditeur en première instance, intitulée « attestation officielle de la société Hachette », car la signature n'était pas identifiable et le document non daté.
Retour sur terre
Dans son arrêt (Cour d'appel de Paris, Pôle 1, Chambre 2, 6 novembre 2025 - RG n° 25/03099), la Cour a rappelé que l'article 145 du code de procédure civile exige l'existence d'un motif légitime pour ordonner une mesure d'instruction. Ce motif doit reposer sur un fait crédible et plausible, et la mesure demandée doit être pertinente et utile pour un litige potentiel.
La Cour a jugé que les éléments produits par Thierry Paul Millemann (copies écran du site mobile Amazon.fr) n'étaient pas suffisants pour rendre crédible une minoration des chiffres. Bien que certaines copies écrans montraient un numéro de classement explicite, elles révélaient que l'ouvrage était classé dans des rubriques extrêmement spécialisées comme « Physique - Science de la matière » ou « Mécanique quantique », catégories dont la Cour a estimé qu'elles étaient « à l'évidence bien moins commerciales que celles afférentes à la littérature générale par exemple ».
Concernant la reddition des comptes, la Cour a noté que la société Éditions Vérone avait fourni, en première instance, un document comptable détaillé — quoique improprement intitulé « attestation » — signé par le service « comptabilité fournisseurs » de la société Hachette livre. Ce document recensait les ventes Amazon à plusieurs reprises, ce qui paraissait cohérent avec le nombre de commentaires (83 ; sans doute plus que de livres vendus) et le classement dans des catégories spécialisées. Sans compter que la Cour précisait que l'obtention des éléments chiffrés plus précis auprès de Hachette ou Amazon ne requiert aucunement l'intervention d'un technicien, mais une simple demande adressée à ces sociétés.
Absence d'éléments tangibles
En définitive, l'arrêt du 6 novembre 2025 s'inscrit dans une application rigoureuse et restrictive de l'article 145 du Code de procédure civile, qui régit l'octroi des mesures d'instruction. La Cour d'appel a rappelé que si l'auteur bénéficie légalement d'un droit à une reddition des comptes explicite et transparente (conformément à l'article L. 132-17-3 du CPI), l'activation d'une mesure aussi intrusive que l'expertise judiciaire exige la démonstration d'un motif légitime, c'est-à-dire un fait crédible et plausible ne relevant pas de la simple hypothèse, comme les classements « élevés » sur Amazon. Le rejet de l'appel confirme ainsi que, face à l'absence d'éléments tangibles de manquement, des mesures probatoires lourdes ne sauraient être ordonnées. Il ne reste plus qu’à conseiller la lecture de Pascal, cet autre scientifique, à Thierry Paul Millemann. Il aurait compris que finalement, au milieu de ce monde infini, l’homme est peu de choses et encore plus un auteur face à ses ventes de livres. Mais il reste ce qui compte le plus : un rêveur.
