Au-delà de cette limite, votre pensée n’est plus valable. On aurait tendance à le croire lorsqu’il s’agit des terroristes qui agissent contre un avion de touristes russes, dans un marché de Beyrouth ou dans les rues de Paris. C’est le sujet de cette étude parue en 2009 chez Denoël, sous-titrée Comment des hommes ordinaires deviennent des fanatiques, récompensée l’année suivante par l’European Amalfi Prize for Sociology and Social Sciences.
Gérald Bronner (université Paris Diderot) est une figure montante de la sociologie cognitive. "Ceux qui s’abandonnent à ce type de pensée extrême ne sont, le plus souvent, ni fous, ni désocialisés, ni même idiots." Alors qui sont-ils ? Dans cette édition mise à jour, l’auteur de La démocratie des crédules (Puf, 2013) examine l’extrémisme dans ses aspects religieux, politiques et artistiques. Pour lui, la communauté de David Koresh qui s’immole à Waco au Texas en 1993, la secte Aum qui répand du gaz sarin dans le métro de Tokyo en 1995 ou les frères Kouachi qui mitraillent la salle de rédaction de Charlie Hebdo relèvent d’un processus identique, même si les objectifs sont différents.
Et c’est justement parce que "nous avons plus à craindre les imbéciles de la barbarie que les génies du crime" qu’il est indispensable de saisir le mécanisme de cette radicalisation. Lorsqu’on le décompose, on s’aperçoit que chaque élément pris séparément obéit à une sorte de logique qui conduit à l’horreur. "Ce que vise le terrorisme, ce sont des actions rentables en termes d’économie de l’attention : capter un maximum de temps de cerveau disponible avec un minimum d’investissement." Pourtant, en démontant le système psychique de la pensée extrême, Gérald Bronner laisse entendre qu’il est possible de désamorcer le processus avant qu’il ne soit trop tard. Parce qu’on ne naît pas fanatique. L. L.