Le cinéma, souvenirs perdus. « J'aimais la beauté des êtres timides [...] Ce que j'aimais, c'était le contraire d'une espèce de confiance - peut-être peut-on l'appeler bourgeoise - qui altère le charme, du moins l'éloigne comme un monde fini, un territoire déjà clos de conventions. Et j'aimais pour cela un certain sourire, la fatigue d'un geste que retrouve parfois, mieux qu'aucun art, mieux même que la vie, le cinéma. » Fatigue, sourire, aller voir ailleurs si on y est, vivre dans l'exaspération d'une existence qui paraît n'être promise que pour mieux être différée, ce doit être cela la jeunesse. Du moins, celle qui eut 20 ans dans les années 1980, loin de Paris, dans quelque salle de cinéma d'une lointaine province. Pour Fabrice Gabriel, l'un de nos plus fins critiques, écrivain rare et précieux, c'était à Sarreguemines, au cinéma Central et dans des petites boutiques de cinéma aujourd'hui disparues. Là qu'il devint, selon l'expression chère à Serge Daney, un « ciné-fils ». À une époque où, de Wenders à Godard, il n'y en avait plus que pour l'idée de la mort du cinéma, Fabrice Gabriel naissait aux grandes espérances en observant le monde s'éteindre. Curieux paradoxe que ce mélancolique intempestif trimballa ensuite partout, de Berlin à New York, accompagné par les images d'Antonioni ou d'Eustache et les visages de Geneviève Bujold ou Jean-Pierre Léaud. Et aujourd'hui, jusque dans les pages de ce magnifique livre, récit d'initiation d'une folle élégance où passent des acteurs, des actrices, des amis, la mère ou le grand-père de l'auteur : qu'importe, une fuite, un souvenir magnifique...
Au cinéma Central
Mercure de France
Tirage: 4 000 ex.
Prix: 18,80 € ; 160 p.
ISBN: 9782715266957