Un rêve d'Orient. Ce nouveau livre de Bruno Remaury se situe dans la droite ligne de ses précédents, notamment Le monde horizontal, paru en 2019 chez Corti. Atypique, inclassable, superbement écrit, et, quoique procédant par fragments et associations d'idées, impeccablement construit. Implacablement, même : de page en page, il mène son lecteur là où il veut, soit une démonstration en boucle. Ainsi, Sur toute la surface de la Terre, un triptyque, s'ouvre sur l'histoire d'Henri, un jeune fonctionnaire colonial envoyé en poste à Hanoï, capitale du Tonkin alors protectorat français. Il n'aime pas trop ce qu'il voit, la misère, l'asservissement des autochtones, les trafics, la prostitution, l'alcoolisme, l'opium, mais il fait son travail consciencieusement. Au bout de douze ans, débordé par la tâche, les fièvres, il regagnera la métropole et un poste bien tranquille en province. De lui, on conserve des lettres précieuses, quelques photos. On n'en saura pas plus.
Henri fut l'une des victimes de ce « rêve d'Orient », qui anima le monde occidental depuis le XVe siècle et les grands voyages de découverte. Avec leur protocole habituel : débarquement, colonisation, essais de conversion, exploitation, guerres...
À la fin du livre, on suit la première tentative de colonisation du sud des États-Unis par l'Anglais Sir Walter Raleigh, en 1584 en Virginie. Quelques années plus tard, quand John White, un des membres de l'expédition, revint sur place, tout avait disparu. Il est probable que les Occidentaux se sont fondus dans les tribus algonquines. Beau symbole de fusion, de métissage entre les peuples et les cultures, à rebours de bien des dogmes et idéologies funestes.
Sur toute la surface de la Terre
Corti
Tirage: 2 000 ex.
Prix: 18 € ; 176 p.
ISBN: 9782714313508