Tout est venu d’une coquille à l’État civil, ou plutôt d’une erreur de ses parents quand ils ont déclaré son nom à sa naissance, Sibylle Grimbert avait été déclarée Sybille avec le « y » avant le « i », comme en anglais… Mais ce n’est pas français ! l’avait fait remarquer devant toute la classe une professeure peu amène, à la grande honte de l’intéressée.
Que cela ne tienne ! Ce sera Sibylle sur les couvertures de ses romans l’autrice du Dernier des siens (Anne Carrière, 2022) aura corrigé la faute d’orthographe. « C’est le pseudo le plus discret du monde ! » en sourit encore l’écrivaine et cofondatrice avec Florent Georgescu des éditions Plein Jour, maison spécialisée dans la littérature du réel, aujourd’hui « en stand-by ».
Traverser le miroir
Cet originel décalage, si infime soit-il, aura été comme un baptême dans la vie et un discret signe de reconnaissance qui lui désignera les personnages réels ou fictifs pour lesquelles se porte sa sympathie. Après le succès de son 11e roman, Le dernier des siens (prix Joseph Kessel, prix littéraire Christian Sommer) Sibylle Gimbert est de retour en librairie avec Au pays des Pnines, premier titre de la nouvelle collection de Premier Parallèle « La vie rêvée des personnages », dont le principe est de traverser le miroir en compagnie d’un auteur, d’une autrice, pour rejoindre un personnage de fiction de son choix dans un récit qui parle de sa relation personnelle avec cet être de papier.
Pour Sibylle Grimbert, l’élu est l’antihéros éponyme du roman de Nabokov. Très jeune adolescente, « un jour d’ennui », la future romancière et éditrice découvre dans la bibliothèque de ses parents Monsieur Pnine : « C’est mon premier roman d’adulte en tant que lectrice. Ce personnage touchait tout ce que j’aimais : d’abord il était russe (très jeune fille, je trouvais qu’on ne pouvait pas faire plus chic), ensuite c’était un intellectuel (encore très chic), enfin Pnine était distrait et maladroit, ce qui le rendait dans le même temps extrêmement drôle et proche de soi. »
À côté de la plaque
Ce professeur Tournesol sempiternellement à côté de la plaque, commettant des erreurs de langage dans sa langue d’adoption et autres bourdes moins linguistiques, est gauche à l’instar du palmipède marin héros du bestseller susmentionné. Mais le vrai poète n’est-il pas comme le dit si bien Baudelaire, pareil à l’albatros dont « [les] ailes de géant l’empêchent de marcher » ?
Pas forcément à l’aise dans l’élément mondain… Sibylle Grimbert, en inaugurant par Au pays des Pnines la nouvelle collection de Premier Parallèle, n’a certes pas fait de faux pas et est au bon endroit ! Elle signe un petit bijou sur cette maladresse des distraits qui vaut toutes les grâces.