L'IA est dans l'escalier. Rose House, dans le désert de Mojave, est l'une des grandes réussites de l'architecte Basit Deniau, qui est d'ailleurs mort dans cette maison labyrinthique en verre trempé, aux murs incurvés et aux multiples pièces dissimulées. Tous les édifices qu'il a construits sont réputés hantés. La particularité de Rose House est qu'elle est dotée d'une intelligence artificielle qui assure son entretien, son fonctionnement et sa sécurité. Alors qu'elle a préféré, en allant s'installer près de la mer Noire, s'éloigner de Deniau, son ancien maître à penser, la professeure Selene Gisil est contactée par la police. L'IA vient de signaler qu'un meurtre a été commis dans la maison... Or Selene avait été désignée comme exécutrice testamentaire de Deniau et héritière de la maison : elle a le droit de s'y rendre une semaine par an. Elle pénètre alors dans la demeure avec l'enquêtrice Maritza Smith, à la recherche du corps. Mais dans ce monde futuriste où l'accès à l'eau est difficile et où les cerveaux sont connectés, Maritza va se retrouver au cœur d'une enquête épineuse. Parce que l'IA lui met les bâtons dans les roues, parce que Selene joue un jeu trouble, parce que sa tâche est rendue compliquée par l'irruption d'un marchand d'art et d'une journaliste, et, enfin, parce que le corps de la victime est gavé jusqu'à la gorge de pétales de roses.
À travers son IA, la maison elle-même semble mener l'enquête, en examinant le corps et en tentant de reconstituer le meurtre, puis en autorisant peu à peu certains accès secrets à Maritza et Selene, à condition que celles-ci posent les bonnes questions. On ne sait plus qui tente de manipuler qui, et la maison s'offre lascivement comme si elle s'effeuillait, peut-être dans le but d'emprisonner ses visiteuses. Elle révèle ses jardins intérieurs avec des fleurs de cactus et daigne donner quelques pistes : le cadavre serait dans l'endroit le plus froid de la bâtisse et le criminel possiblement encore dans le lieu. On se demande quelles archives et quels secrets la maison veut protéger, mais Maritza finit par comprendre qu'il s'agit d'abord, pour l'IA, d'empêcher qu'un projet démesuré et effrayant voie le jour...
On est littéralement ébranlé par la tonicité de ce faux huis clos, dans lequel l'intérieur d'une maison offre, contre toute attente, un espace infini d'aventures rocambolesques. Rose/House est un texte d'une rare volupté et d'un savoureux humour, à l'écriture vive et précise, qui propose aussi des moments profondément hypnotiques et qui regorge de considérations décalées et tordues sur les travers des humains et sur la perversité des machines issues de la programmation de ces derniers. Ce roman entraîne le lecteur dans d'extraordinaires et très excitantes explorations, celle d'une maison dont chaque pièce est conçue comme une sorte de récit, celle d'une vérité à plusieurs facettes, et celle d'un avenir qui nous retient entre ses murs si l'on néglige, dans notre usage des technologies, son aspect éthique.
Rose/House
J'ai lu
Tirage: 5 000 ex.
Prix: 11,90 € ; 128 p.
ISBN: 9782290394526