Peau noire, note bleue. On sait l'engouement occidental pour les œuvres d'arts dits premiers, jadis relégués en tant qu'objets de culte ou comme simples artefacts dans les musées d'ethnographie. Tunde, le héros du nouveau roman de Teju Cole, Vibrato, enseigne l'art dans une université du Massachusetts et aime chiner. Chez un brocanteur, il tombe sur un masque bambara. Est-ce un vrai ? Pour le professeur nigérian vivant aux États-Unis, c'est la question de l'authenticité comme de l'appropriation qui se pose, dans la création comme dans l'intime. Et cette réflexion de nous entraîner avec Tunde jusqu'au Nigeria, à travers la vie des gens de Lagos, à la fois précaire et effervescente. Relation d'un voyage au Mali, tourments du couple de Tunde qui bat de l'aile, avanies du racisme ordinaire... on oscille au rythme des pensées et souvenirs, entre mémoire coloniale et affres contemporains, plaies collectives comme privées.
Né en 1975, l'écrivain américano--nigérian qui a grandi à Lagos est également photographe et historien d'art. Il s'était fait remarquer dès son premier roman, Open City (Denoël, 2012), qui retraçait l'errance urbaine d'un jeune psychiatre d'origine nigériane arpentant le bitume new-yorkais après le 11 septembre. Dans Vibrato, Teju Cole redéploie derechef le regard du « Persan », celui de la culture allogène, ou plutôt de l'afrocosmopolitisme hybridé. Outre la vue, l'ouïe est convoquée. L'auteur fait ici sonner une secrète note bleue, tel un leitmotiv mélancolique au fil de pages qui racontent une histoire d'avant la pandémie de Covid, memento mori planétaire rappelant la solidarité des humains par la mort.
Vibrato
Zoé
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Serge Chauvin
Tirage: 2 000 ex.
Prix: 22 € ; 256 p.
ISBN: 9782889075409