Décryptage

Nadine Monfils, le making-of d'une série à succès

Nadine Monfils chez elle, se fait coiffer et maquiller par Agathe Ropion avant de poser pour le photographe Pierre Monetta. - Photo Olivier Dion

Nadine Monfils, le making-of d'une série à succès

Autrice de la saga cosy mystery Les folles enquêtes de Magritte et Georgette, Nadine Monfils inaugure un genre d'enquête, moins cosy, avec Les fleurs du crime de Monsieur Baudelaire, paru le 3 octobre chez Verso. Cette aventure policière dans le Paris interlope de Baudelaire entend assurer son succès en ne négligeant aucun aspect du développement d'une série. Rencontre dans les coulisses de la fabrique d'un best-seller.

Par  Sean Rose
Créé le 09.10.2025 à 15h30

Cette férue de tarot n'avait pas tiré la carte de l'Amoureux ce jour-là, l'arcane qui présage la rencontre. Elle en fit une, pourtant, de rencontre, certes pas amoureuse mais non moins décisive. Nadine Monfils oublie au café un bouquin qu'elle était en train de lire, elle y retourne en pressant le pas et se cogne contre un client qui quittait les lieux. « Tiens, une collision d'écrivains ! » plaisante le bistrotier qui lui présente l'auteur et scénariste Philippe Di Folco. Nadine sympathise avec ce dernier et lui confie être à la recherche d'un éditeur. Di Folco mentionne Glenn Tavennec, directeur éditorial d'une collection young adult et d'une collection de polar et de thriller chez Robert Laffont.

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L'univers de Nadine Monfils chez elle à Paris.- Photo OLIVIER DION

Ni une ni deux, l'autrice des Vacances d'un serial killer (Belfond, 2011) envoie un message sur Facebook à Glenn Tavennec. « Dix minutes après, il m'appelle ! » La rencontre, c'était lui ! Ou parce que c'était elle, parce que c'était lui. Il soufflera à l'écrivaine d'origine belge l'idée d'une série cosy mystery : Les folles enquêtes de Magritte et Georgette, mettant en scène l'artiste belge préféré de Nadine et l'épouse dudit peintre surréaliste à travers des aventures policières. En tout, huit volumes qui feront carton plein : 70 000 exemplaires vendus sur le seul territoire hexagonal. Au cinquième tome, Glenn Tavennec est appelé par Hugues Jallon, alors à la tête du Seuil, pour fonder et diriger un label plus grand public au sein de cette maison : Verso. Nadine Monfils continue son bonhomme de chemin. Quand se clôt la série avec la huitième enquête de Magritte et Georgette, elle se sent orpheline d'un projet d'écriture aussi palpitant. Elle recherche à nouveau un éditeur.

Pourquoi pas toquer à la porte d'Hugues Jallon ? Et Nadine Monfils de rempiler avec un autre concept forgé par le directeur du nouveau label grand public du Seuil. Là, on n'est plus tout à fait dans le cosy tel qu'on l'entend d'habitude, ou alors Scooby-doo y aurait des allures de chien galeux. La série Les fleurs du crime de Monsieur Baudelaire nous plonge dans le Paris interlope du poète d'« Une charogne », en compagnie de special guests : le célèbre bagnard devenu chef de la Sûreté Vidocq, des écrivains ou des poètes tels Edgar Allan Poe, Gérard de Nerval ou Victor Hugo...

Lancement, promotion, droits dérivés...

Premier titre de la série : La femme sans tête. Lancement, promotion, droits dérivés... Quand on publie de la littérature populaire avec un tirage à 13 000 exemplaires, rien ne saurait être laissé au hasard. Pour la couverture, Glenn Tavennec fait appel à l'illustrateur brésilien Butcher Billy : « La star du rétro vintage qui a notamment créé les visuels de Stranger Things et de Black Mirror, il n'y avait pas meilleur artiste pour concevoir une charte visuelle folle et déclinable pour une série. » Sans invoquer la magie, on note un petit lien occulte... La Baudelaire connection s'est faite grâce à l'un des personnages de ces enquêtes d'un Baudelaire détective, et qui a réellement existé : Allan Kardec, père du spiritisme et mentor de l'auteur des Fleurs du mal. « Allan Kardec est un dieu au Brésil », précise le directeur de Verso.

Le résultat en jette, entre cabaret montmartrois et big band pop, c'est Le Chat noir meets Sergeant Pepper ! Pour l'audiolivre, ce sera l'ancien voisin de la romancière et dramaturge belge, sur la Butte, le comédien Dominique Pinon. Nadine Monfils avait déjà collaboré avec lui sur la version sonore du best-seller susmentionné, Les vacances d'un serial killer, qui a atteint les 120 000 exemplaires...

Le succès d'un livre tient à la rencontre entre son auteur et son public ou plutôt au « pacte de lecture qui consiste à faire tourner les pages », insiste Glenn Tavennec. Si Nadine Monfils honore sans conteste ce contrat-là, la réussite d'une série, avant même qu'on ouvre le premier tome, fonctionne par l'image qu'on entend projeter de son univers. Outre la charte graphique, Verso n'a pas lésiné sur la promo.

Objectif adaptation

Quand nous sommes allé l'interviewer, Nadine Monfils était en pleine séance de maquillage pour le shooting photo et s'apprêtait à poser en sorcière blanche avec corbeau noir sur l'épaule ou tirant la langue telle une Einstein du not-so-cosy crime. La littérature populaire assume son cinéma et espère tout autant être portée sur le grand écran.

Kim Beci, directrice adjointe chez Mediatoon Audiovisual Rights, dans le groupe Média-Participations, auquel appartient le Seuil, entend bien pousser la série : « Peu d'œuvres ont été produites autour de ce monstre de la poésie. Une adaptation des Fleurs du crime permettrait de reprendre les codes de l'enquête classique avec des personnages hauts en couleur et qui retentissent dans l'imaginaire collectif français mais également à l'international. Dans la même veine, je pense à Sherlock (Mark Gatiss et Steven Moffat) ou la série à venir Augustine & Edgar (Gaumont pour TF1). Nous emporterons avec nous ce premier tome au Festival de la fiction de La Rochelle, afin de le présenter en avant-première à une sélection bien choisie de producteurs que nous rencontrerons sur place. »

Et comme pour corroborer ces propos, Nadine Monfils montre un texto de son ami réalisateur (« mon premier lecteur ») Jean-Pierre Jeunet : « J'ai fini ton bouquin dans le train du retour... J'ai beaucoup aimé l'ambiance, les descriptions et les considérations parallèles. » De bon augure, non ? dit avec malice la sorcière blanche.

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