Passage à l'acte. « Personne n'est plus enclin à la colère qu'une fille moyenne. » Dans ce premier roman, la journaliste et autrice Hélène Coutard interroge le rapport à la violence et à la rage des femmes, confrontées quotidiennement à la domination masculine et au patriarcat. Du récit d'initiation au thriller haletant, Explosives retrace la trajectoire d'une jeune fille ordinaire embrigadée dans un groupe de femmes qui entend bien inverser les rapports de force.

Clara est originaire d'une petite station balnéaire de province. Elle « n'avait jamais eu de problème », tout la destinait à une « une vie banale et tranquille comme on n'en voit nulle part dans les séries ». Discrète, bonne élève, souriante, Clara se conforme parfaitement à l'attitude sage et affable que sa famille et la société attendent d'elle. Pourtant, elle a toujours éprouvé une sorte de colère qui s'est décuplée à mesure qu'elle la réprimait. Entre son amie agressée par son beau-père lorsqu'elle avait 11 ans, son premier copain qui lui assène sur un ton réprobateur que « les couples, ça couche ensemble à chaque fois que ça peut » et son intuition que les « hommes moyens étaient mieux lotis, [et] n'avaient nul besoin d'être brillants ou beaux pour être admirés », Clara nourrit une rancune envers les hommes et le patriarcat, sans qu'elle ne sache encore tout à fait l'identifier.

Lorsqu'elle part à Paris pour ses études de droit à Assas financées par ses parents, elle s'imagine devenir quelqu'un d'intéressant, quelqu'un à qui il arriverait enfin quelque chose. Elle se rêve en avocate spécialisée dans la défense des femmes au sein d'une « justice créée par et pour les hommes ». Mais dès les premières heures passées sur les bancs de la fac de droit, elle comprend que ce n'est pas pour elle et s'inscrit secrètement en études de genre dans une autre université. Elle y découvre un nouveau monde dans lequel ses intuitions féministes sont non seulement validées, mais dont elle s'aperçoit qu'elles ont déjà été théorisées.

Hélène Coutard décrit ici la joie de créer des liens d'amitié avec des personnes en accord avec ses idées politiques, de multiplier les lectures et les rencontres, et de participer à des réunions autour de la lutte pour les droits des femmes. Mais elle aborde aussi la manière dont Clara, s'embarquant dans une histoire qui va vite la dépasser, développe une double vie qui la conduit à rompre avec sa famille et avec ses études pour se rapprocher d'une nouvelle amie, Ari, chez qui elle reconnaît l'intensité de sa propre rage. Ari est entourée de femmes bien plus radicales encore, fascinées par les actions concrètes et la lutte armée. « Il y avait mieux à faire que d'étudier des vieilles théories assise sur des bancs trop durs. » Mais n'y a-t-il pas un point de non-retour tout aussi flagrant lorsque le fantasme de se faire entendre ne laisse d'autres choix que le sacrifice de sa propre vie ?