Crimes d'amour. On se souvient de Truffaut disant d'Hitchcock qu'il tournait les scènes d'amour comme des scènes de meurtre et les scènes de meurtre comme des scènes d'amour. Pour Martin Suter, même si le stylo a remplacé la caméra, c'est la même chose. Et l'un et l'autre, l'amour, le meurtre, n'ont peut-être jamais été aussi inextricablement et splendidement mêlés que dans son nouveau roman (le dix-septième publié en France), L'amour et la fureur. Avec son autre marotte, le monde de l'art.
Soit donc deux amoureux, Camilla et Noah. Noah est un jeune artiste contemporain qui n'a encore guère connu le succès. Camilla, elle, est comptable, et même si elle aime Noah, elle n'est pas prête à partager avec lui l'incertitude de la vie de bohème ni à le laisser vivre à ses crochets. Elle décide donc de le quitter, de quitter son job aussi et d'aller vers des rivages de vie pour elle plus rassurants (monter sa propre boîte avec sa meilleure amie, prendre un amant plus âgé et fortuné). Noah, désespéré, ne supporte pas cet abandon et se promet de tout faire pour la récupérer. C'est alors qu'il va faire par hasard la connaissance de Betty, une veuve à la santé fragile, pour qui la vengeance est l'horizon ultime. Elle est persuadée que feu son mari a été en quelque sorte victime d'un crime parfait, fomenté par son associé qui l'a sciemment tué à la tâche... Noah et Betty, ces deux desperados, se sont bien trouvés, et la seconde va proposer au premier, moyennant une flatteuse somme, de se transformer en tueur à gages pour éliminer l'homme qu'elle considère comme responsable de son chagrin. Mais tout ne se passera pas si facilement...
Il y a dans les fictions spéculatives et piégées de Martin Suter une gourmandise du mal, toujours sur fond des égarements de la grande bourgeoisie suisse et cosmopolite. Le sexe et l'argent y font invariablement bon ménage. L'amour et la fureur ne fait bien sûr, à cet égard, pas exception. Toutefois, ce ne sont pas ces turpitudes qui sont cette fois-ci au centre de la toile d'araignée du romancier zurichois. Suter, avec ce livre, a peut-être écrit - enfin, serait-on tenté d'ajouter, tant il était patent qu'il en avait le désir - son grand roman d'amour. Ou plus exactement d'obsession amoureuse. Celle de Noah pour Camilla, dévorante, immorale, pure comme le crime.
L'amour et la fureur
Phébus
Traduit de l'allemand (Suisse) par Olivier Mannoni
Tirage: 10 000 ex.
Prix: 21,90 € ; 288 p.
ISBN: 9782752915283
