Partant du constat que la BD est encore trop peu digitalisée, l'application Bang! a ouvert le 20 octobre dernier, un peu plus d'un an après sa création en juillet 2024 par Clément Cousin, Nicolas de Rémacle, Benjamin Tollié, Simon Coste et Vincent Nallatamby, entre la France et les États-Unis.
Le concept est simple : adapter des œuvres de bande dessinée au format vertical pour le téléphone sur le modèle du webtoon, format vertical venu de la Corée du Sud et conçu pour la lecture sur téléphone. Ce dernier s’enracine progressivement dans le paysage culturel français. En France, on estime entre 2 et 5 millions le nombre de lectrices et lecteurs de webtoons.
Dans un marché bousculé par le piratage massif de BD numériques, certains éditeurs traditionnels comme Glénat récemment entré au capital d’ONO (Média Participations) cherchent désormais à structurer une offre légale et innovante. Bang! s’inscrit pleinement dans cette dynamique : réinventer la lecture en transposant les œuvres papier dans un format mobile-first tout en répondant à une demande croissante pour des contenus pensés pour l’écran.
Le format BD très peu ou très mal digitalisée
Pour Clément Cousin, joint par Livres Hebdo, tout commence par une frustration simple : lire une BD sur mobile reste laborieux. Zoomer, dézoomer, pincer l’écran… autant de gestes qui cassent le rythme. « Les histoires n’ont pas vieilli, c’est le format qui l’a fait », explique-t-il. Bang! adopte donc une logique inverse : une lecture conçue verticalement dès l’origine.
S'inspirant du webtoon, mais attaché au patrimoine franco-belge, au manga ou encore aux comics, le studio réorganise les planches pour transformer chaque case en point de tension narratif. « On veut que la verticalité impose un focus permanent sur la case sur laquelle le lecteur pose son pouce », insiste le dirigeant.
La règle d’or reste inchangée : ne jamais dénaturer une œuvre. « Les équipes ne réécrivent pas : elles réagencent, reformulent l’espace des bulles, ajustent la mise en scène, tout en préservant l’intention artistique ». Une méthode et un projet qui ont pu convaincre plusieurs éditeurs rencontrés par les fondateurs à Angoulême, San Diego ou New York avant de lancer leur projet en juillet 2024.
Un lancement transatlantique et l’ambition d’un nouvel écosystème
Bang! a choisi un lancement simultané en France et aux États-Unis, malgré des habitudes de lecture très différentes. Un pari assumé : dans les deux pays, le lectorat papier se concentre sur les tranches d’âge plus élevées, tandis que la lecture mobile s’impose chez les jeunes générations. « La créativité artistique en France n’a rien à envier aux auteurs américains », note Clément Cousin, convaincu que les frontières sont désormais davantage techniques que culturelles.
Aujourd’hui, Bang! réunit 15 éditeurs partenaires : Ablaze, Dynamite Entertainment, Tokyopop ou Hermes Press côté américain ; Casterman, Futuropolis ou Daniel Maghen côté français. D’autres devraient rejoindre la plateforme dans les mois à venir, notamment au Japon.
Son modèle est freemium : une partie du contenu reste accessible gratuitement, tandis que l’abonnement premium, encore en phase test, proposera l’accès intégral, le téléchargement hors ligne et des recommandations personnalisées. « On pourrait s’attribuer le terme de nouvel écosystème, complète Clément Cousin. Un écosystème qui rémunère auteurs et éditeurs, qui propose des contenus diversifiés et fédère des millions de personnes autour de leurs thématiques préférées. Aujourd’hui, avec notre application, on essaye aussi d’être une "story tech", comme Webtoon se définit. »
Premiers chiffres et perspectives : un catalogue qui monte en puissance
Depuis juillet 2024, puis après sa mise en ligne publique le 20 octobre dernier, Bang! a consolidé un catalogue en constante expansion : 250 titres signés, plus de 600 épisodes publiés, et un rythme soutenu de nouveaux chapitres mis en ligne chaque jour. La plateforme commence aussi à développer ses propres créations originales : six auteurs ont déjà été signés pour des œuvres pensées dès le départ pour le format vertical.
D’ici cinq ans, Bang! se projette comme un carrefour de création autant qu’une vitrine internationale, un espace où le patrimoine du neuvième art peut se réinventer grâce à une narration audacieuse, émotionnelle et visuelle, conçue pour la manière dont on lit aujourd’hui : avec le pouce.
