« Homme libre, toujours tu chériras la mer ! », proclamait Charles Baudelaire, inspiré comme tant d'autres poètes par cette force de la nature synonyme de mystère et d'aventures. Des sirènes d'Ulysse aux flots de la Genèse, de la baleine de Moby Dick aux Vagues de Virginia Woolf, des pêcheurs d'Islande de Pierre Loti aux Travailleurs de la mer de Victor Hugo, l'univers maritime façonne de nombreux récits. Un lien profond que l'écrivain suédois Björn Larsson analyse dans Raconter la mer, tout juste paru aux éditions Zeraq (octobre 2025).
« Zeraq », c'est le nom qu'on donne au quart le plus difficile sur les navires de la marine militaire ou de la marine marchande, celui qui se déroule de minuit à quatre heures du matin. Un terme pour initiés, certes, mais qu'on ne s'y trompe pas : le livre de mer brasse large, bien au-delà des « mériens » aguerris. Quelque 6 000 visiteurs sont ainsi attendus pour la 40e édition du festival Livre & Mer qui se tient les 8, 9 et 10 novembre 2025 à Concarneau, avec l'écrivain Wilfried N'Sondé pour président.
Engagement écolo
« Les passionnés de milieux maritimes sont par ailleurs fidèles, très attentifs aux parutions », relève Andrea Cappai, fondateur de la maison Zeraq. « Il y a une base solide d'amateurs de récits de voile », confirme Valérie Dumeige, directrice éditoriale d'Arthaud, ce qui assure des ventes régulières.
Le genre, marqué par des figures de la course au large comme Éric Tabarly, Florence Arthaud, fille de l'éditeur, ou encore Olivier de Kersauson, dont les mémoires sont attendues au Cherche Midi en 2026, se renouvelle avec une génération d'auteurs qui défendent une manière plus sobre de naviguer, à l'heure des bateaux bardés de technologies.
C'est notamment le cas de Yann Quenet qui raconte la suite de son Tour du monde avec mon baluchon (2022), son navire autoconstruit, dans un ouvrage à paraître l'année prochaine, toujours au Cherche Midi. Sébastien Roubinet, un autodidacte qui fabrique ses bateaux pour ses expéditions en Arctique, se confie quant à lui à Zoé Lamazou dans Le marin qui n'avait jamais perdu le nord (octobre 2025, Paulsen).
L'engagement écologique prend d'ailleurs une place croissante dans la production liée aux livres de mer. Arthaud publie ainsi, le 11 février, Tropique méditerranéen : voyage dans une mer en mutation, de Stefano Liberti, soit une enquête sur les bouleversements écologiques de l'écosystème de la mer Méditerranée.
De son côté, Glénat sort SOS océans en détresse !, le manifeste de Paul Watson (7 janvier). Un message d'alerte souvent défendu par le biais de beaux-livres comme L'océan, notre futur, de Christine Causse (octobre 2025), réalisé en partenariat avec Nausicaá et illustré de plus de 150 photographies pour une découverte de la biodiversité marine et du rôle des océans sur le climat.
De la navigation à la mer
La fiction n'est pas en reste. Chez Paulsen, l'écrivain et skipper Fabien Clauw poursuit par exemple les aventures du capitaine de frégate Gilles Belmonte, sous Napoléon, avec un 8e tome attendu le 15 janvier 2026. « L'auteur, qui est un marin accompli, sait décrire une manœuvre, une tempête, avec une précision qui ravit les amateurs », souligne Isabelle Parent, directrice des éditions Paulsen.
Cette diversité de genres, de formats et d'approches du livre de mer découle aussi d'une nécessité économique pour les maisons. Créées en 1963, les éditions Vagnon (groupe Fleurus) publient aussi bien le célèbre « code Vagnon », manuel indispensable à la préparation du permis plaisance, que des livres d'entretien des bateaux, des ouvrages pratiques pour la pêche et la plongée, ou encore des titres généralistes. « La difficulté sur l'univers de la mer est commerciale : les librairies et autres points de vente ne peuvent pas avoir une grande profondeur de rayon sur le sujet, l'enjeu est donc de donner une audience plus large à la marque », estime Elisabeth Pegeon, directrice éditoriale.
Si de nombreuses librairies, du littoral notamment, offrent une belle place à l'univers maritime, il n'existe en effet plus qu'une librairie physique spécialisée, La Cardinale, à Marseille. « Avant, c'était le domaine du nautisme qui intéressait. Désormais, on se tourne vers la mer au sens large : nos rayons plongée, pêche, environnement, avec les guides d'identification, ont tous pris davantage de place. La mer est devenue plus centrale », analyse Patrice Antonelli, gérant de cette librairie de 200 m2 installée sur le Vieux-Port. De quoi ouvrir encore l'horizon des maisons tournées vers le large.

