Gaston Lagaffe, Lucky Luke, Natacha… Les adaptations de BD font rarement l'unanimité auprès du public. Mais bédéastes comme éditeurs croient toujours à un rapprochement entre ces deux médiums. Si bien que certains ont pris leur destin en main. Ugo Bienvenu a ainsi conçu avec son studio Remembers son premier film d'animation, Arco (en salles le 22 octobre), une histoire originale de SF inspirée par son univers graphique.
Dans un style plus loufoque, une adaptation de Faits Divers d'Anouk Ricard est aussi en cours d'écriture par son éditeur Jean-Louis Gauthey. Le fondateur des éditions Cornélius a monté pour l'occasion sa propre structure de production, Bâton, pour développer des projets en animation. « J'étais heurté qu'il y ait si peu d'adaptations d'Anouk Ricard. Toutes celles qui étaient tentées échouaient ou donnaient des résultats discutables, commente-t-il. J'ai voulu passer par une boîte de production pour avoir ce fameux contrôle artistique qui nous échappe toujours à nous, créateurs, quand on est impliqué avec un studio dans une adaptation de BD ou une création de série. La vision du créateur ne supplante jamais celle du groupe dans ce genre de projet ». L'éditeur déplore « une tendance à lisser les ambitions pour éloigner les adaptations de leur modèle ».
Risque financier
Même son de cloche chez Bamboo, qui vient de produire une adaptation de son best-seller Les Gendarmes. Un projet né de la frustration de ne pas avoir participé pleinement à l'adaptation des Profs (2013), carton à 4 millions d'entrées, explique son fondateur Olivier Sulpice. « On a juste vendu les droits et donné notre avis. À la suite, j'ai décidé de créer deux structures, Bamboo Films et Bamboo Prod, pour développer nos adaptations. »
L'éditeur a déjà obtenu un succès avec une série animée inspirée d'un autre de ses best-sellers, Les Sisters. Mais Les Gendarmes sera son projet le plus ambitieux ce jour. Budget : 8 millions d'euros, dont un apport de Bamboo. Le risque financier est présent même s'il y a bien plus en jeu, souligne Olivier Sulpice : « Je pense que ça va nous faire gagner une division dans les médias. »
Le tournage, qui s'est déroulé à Mâcon avec notamment Arnaud Ducret et Julien Arruti, s'est terminé avant l'été. Sur le film, Olivier Sulpice occupe le poste de producteur exécutif. « C'est nous qui avons les mains dans le cambouis, on a embauché le directeur de prod », précise-t-il. Le fondateur de Bamboo était tous les jours sur le tournage « pour apprendre à la dure ». Car si la production est pour lui « une suite logique » dans sa carrière d'éditeur, il s'agit bel et bien d'un « autre métier ».
« Toute bande dessinée n'est pas vouée à être adaptée en animation »
Avis que partage Jean-Louis Gauthey. « Toute bande dessinée n'est pas vouée à être adaptée en animation. Très peu de gens le comprennent. Ce n'est pas parce que c'est du dessin que c'est le même langage. » Lui-même directeur d'écriture dans l'animation en parallèle de ses activités chez Cornélius, il s'est associé en coproduction pour Fait Divers à une société spécialisée en animation, Tchack, implantée à Lille.
Fin connaisseur de l'œuvre d'Anouk Ricard, Jean-Louis Gauthey promet des histoires inédites et un ton plus absurde que la BD d'origine et donc davantage dans la lignée des derniers ouvrages du Grand Prix d'Angoulême. La dessinatrice a suivi le développement. « Elle est très contente du travail graphique, très proche de son trait », se félicite Jean-Louis Gauthey. Le projet a même séduit France Télévisions, qui prévoit une diffusion sur sa plateforme Slash.
Un succès qui n'encourage pas pour autant l'éditeur à transposer à l'écran d'autres titres de son catalogue où se côtoient Charles Burns, Daniel Clowes, Pierre la Police et Robert Crumb. « Il y a bien les livres de Jérôme Dubois. Ou Francis Blaireau Farceur. Mais c'est une gageure. Car tout repose sur le texte ! » Il ajoute : « Avec Bâton, on a plutôt l'ambition de faire d'autres projets, qui sont des pures créations, pensées directement pour l'animation. »
Objectif un million d'entrées
Côté Bamboo, l'ambition est pour le moment de s'appuyer sur les titres de la maison. Olivier Sulpice a dans sa besace l'adaptation d'un autre best-seller de son catalogue, L'Adoption de Zidrou et Monin. Et un live action des Sisters est en cours d'écriture. Mais tout dépendra du succès des Gendarmes, en salles au printemps 2026. Olivier Sulpice vise « au moins le million d'entrées ». « Si on prend un bide monumental, je ne sais pas si on continuera », admet-il.
Encore à ses balbutiements, ce rapprochement entre maisons d'édition et studios de cinéma reste un véritable pari dans un secteur en crise. Mais un pari prometteur, qui donne déjà lieu à des détails cocasses pour les fans de BD. Au générique de la future adaptation des Légendaires (en salles le 28 janvier 2026), d'après la saga de Patrick Sobral publiée aux éditions Delcourt (propriété d'Editis), figurent parmi les coproducteurs… Dupuis et Média-Participations.