Bédéaste à succès avec Préférence système (Denoël Graphic, 2019), Ugo Bienvenu signe avec Arco son premier film d’animation, un récit initiatique de science-fiction. En 2075, une fillette, Iris, voit un mystérieux garçon tomber du ciel. Celui-ci, baptisé Arco, vient d'un futur lointain. Elle le recueille pour l'aider à rentrer chez lui. Conçu pour un budget de 9 millions d’euros par Remembers, le studio d’Ugo Bienvenu, et coproduit par Natalie Portman, Arco est promis à un destin international.
Projeté en mai à Cannes, il a remporté le Cristal du long-métrage, l'équivalent de la Palme d'or, au Festival d’animation d'Annecy. Dans les salles françaises en octobre, il sera distribué aux États-Unis par la société Neon, qui espère l’envoyer aux Oscars 2026.

Livres Hebdo : Comment passe-t-on de la BD au cinéma ?
Ugo Bienvenu : Pour moi, c’est naturel. J’ai commencé aux Gobelins. J’ai une formation en animation. Mon langage premier est le temps, la gestion du bruit, du son et de la musique. J’ai toujours fait les deux en même temps : un petit film me donne une idée de BD, une illustration me donne une idée de film. Certaines idées, comme Arco, ne peuvent pas être autre chose que de l’animation : j’avais besoin de vent, de sensation, d’eau… J’avais envie de proposer une expérience que la BD ne permettait pas de déployer de la même manière.
Comment est née l’idée d’Arco ?
Tout est parti d’un dessin que j’ai envoyé en 2020 à mon associé, Félix de Givry (co-fondateur de la société de production Remembers avec Ugo Bienvenu, ndlr). Pour moi, ça pouvait être un clip ou un court-métrage. Lui m’a dit que c’était plus un long-métrage. Je n’aurais jamais osé y penser ! Je savais à quel point c’était dur et à quel point ça allait prendre du temps. Mais ça faisait deux ans qu’on avait créé Remembers, avec l’idée de faire de la fiction. Et on me posait beaucoup la question d’adapter Préférence système. De gros studios américains avaient même fait des offres. C’est ce qui m’a donné l’idée de faire un film. Mais en proposant quelque chose de nouveau. Ce qui me manque au cinéma, ce sont les récits originaux. J’en ai marre des adaptations.
« On a investi nos économies pour faire une animatique, pour montrer ce qu’on avait envie de faire. C’est ce qui a permis de trouver le financement »
Convaincre les financiers avec une histoire qui sort des standards du cinéma n’a pas dû être aisé…
C’est ça qui a été très compliqué ! Les gens nous disaient qu’il n’y avait pas d’antagonistes dans notre histoire. On leur répondait qu’il y en avait un : le monde dans lequel on vit. Il n’y a pas de plus grand antagoniste ! Ce n’était pas totalement lisible à la lecture. Dans un document scénaristique froid, c’était dur de transmettre ces sensations. Or c’est un film de sensation. Félix à un moment donné m’a dit qu’on n'arriverait pas à le financer avec le scénario. On a donc investi nos économies pour faire une animatique, pour montrer ce qu’on avait envie de faire. C’est ce qui a permis de trouver le financement.
Comment avez-vous adapté votre style aux besoins du cinéma ?
Comme je viens de l’animation, mon dessin était déjà pensé pour l’animation. Comme c’était aussi la première fois que je faisais une histoire pour enfants, j’ai voulu arrondir un peu mon style, que certains personnages soient plus cartoons que ce que je fais d’habitude. Ce qui nous a permis d’avoir un contrôle du style, c’est enfin de tout faire en France, dans le même quartier, dans le XXe arrondissement de Paris. On avait trois studios à dix minutes à pied les uns des autres.
« J’ai plusieurs albums chez Dupuis et Denoël, mais je ne les dessinerai pas. Je dessine également une BD pour Denoël que je dois terminer pour la fin de l’année »
Combien étiez-vous pour fabriquer le film ?
Au début, c’était juste Félix et moi. On écrivait. Je storyboardais. Quand on est passé à l’animatique, on était quatre. Ensuite, pendant la fabrication, on est passé à 20 personnes, puis à 120 en interne et au total à 300. Plus l’idée avançait, plus la boîte se structurait pour recevoir la fabrication du film. Je connais tous les chefs de poste avec qui j’ai travaillé. C’était une ambiance très familiale. Ça se ressent dans le film.
Combien de temps avez-vous pris pour terminer le film ?
Cinq ans. Ça m’a paru très long. On n’a pas eu que des moments faciles. On n’aurait pas pu aller plus vite. Avec Félix, on a réussi à garder l’essence du film et à ne pas l’abîmer. À chaque fois qu’on a essayé d’ajouter au film des choses qui ne correspondaient pas à son univers, il a été protégé par une sorte de système auto-immunitaire. Pour le mener à bien, il a juste fallu écouter le film et ce dont il avait besoin.
Quels sont vos projets désormais ?
Un livre sur Arco sort chez Denoël en novembre. J’ai plusieurs albums chez Dupuis et Denoël, mais je ne les dessinerai pas. Je dessine également une BD pour Denoël que je dois terminer pour la fin de l’année. J’ai une idée pour un autre film, mais on verra. Je ne sais pas si j’ai la force de m’y mettre tout de suite. Je vais essayer de me reposer un peu.