Ils sont trois frères aux bras maigres. Trois mousquetaires, trois garnements, "trois petits rois unis pour en avoir encore". Il y a Manny, Joel et le narrateur, le petit dernier, âgé de 7 ans. Manny a 2 ans de plus que Joel et 3 de plus que le cadet. "On était à moitié laids, à moitié noirs, à moitié sauvages", dit-il. Les sales bambins veulent toujours plus. De chair, de sang, de chaleur, de fracas, de jeux, de musique. De tout ce qui peut alimenter leur vie d'animaux, comme les appelle leur voisin, le Vieux, qui vient des monts Ozark.
Autour d'eux, dans une famille qui ne roule pas sur l'or, on note la présence d'un père portoricain, "Paps". Celui-ci les corrige à coups de fouet. Il le fait "méticuleusement, avec précision, en prenant son temps", mais peut aussi danser au rythme du mambo de Tito Puente dans la cuisine après avoir bu quelques bières. Blanche, "Ma", leur mère, est "cette créature déracinée de Brooklyn, cette grande gueule qui larmoyait dès qu'elle nous disait qu'elle nous aimait". Tombée enceinte dès l'adolescence, maman travaille de nuit à l'usine sur la colline. Son dentiste lui a donné des coups de poing au visage pour faire bouger ses dents. Elle semble persuadée que les enfants changent à 7 ans, qu'ils se durcissent et lui échappent irrévocablement...
Tout ici tient dans la voix qui jaillit de ces pages tirées au cordeau, dans le style poétique et tendu, dans la juxtaposition d'images et de scènes marquantes. Justin Torres, l'auteur du vénéneux Vie animale paru en 2011 chez Houghton Mifflin Harcourt, est né en 1981 dans l'Etat de New York. Le nouveau prodige des lettres américaines a publié des textes dans Granta et dans The New Yorker. Laissons le mot de la fin à son parrain littéraire, Michael Cunningham. "Vie animale est un diamant brut. C'est un livre unique. Remercions ce jeune homme pour son intelligence et sa férocité."