La librairie féministe et LGBTQIA+ Violette and Co peut souffler. Ce jeudi 18 décembre, le Conseil de Paris a voté le rétablissement de la subvention municipale qui lui avait été retirée un mois plus tôt, lors d’une nouvelle séance de délibération. Le projet a été adopté en scrutin public par 90 voix contre 49, à l’issue d’un vote dissocié permettant de revenir spécifiquement sur le cas de la librairie du XIᵉ arrondissement. Les 39 autres librairies qui avaient, de fait, été également privées de cette subvention ont également vu leur financement rétabli, avec 139 votes pour.
Cette décision annule le rejet de la subvention, défendu en novembre par les élus de la droite parisienne et vivement critiqué par les professionnels du livre. Dans une tribune, ces derniers dénonçaient une « pression économique et politique » ainsi qu’un « acharnement manifeste », dans un contexte où les librairies indépendantes sont de plus en plus la cible d’actes de vandalisme.
« Les librairies doivent rester des lieux de création, pas des cibles »
« Le 20 novembre dernier, la droite parisienne a fait tomber une délibération qui devait soutenir 40 librairies indépendantes parisiennes, 40 lieux de pensée, de débats, de résistance. Qu’un camp politique décide de quelle librairie peut être aidée ou non est une idée dangereuse (…). Les librairies doivent rester des lieux de création, pas des cibles », a notamment déclaré Florian Sitbon, conseiller du XVᵉ arrondissement de Paris et président du groupe Paris en Commun, lors des débats précédant la délibération.
L’élu a également rappelé que Violette and Co avait été la cible, cet été, d’une campagne d’intimidation et de multiples dégradations de sa vitrine. Un ciblage « auquel nombre de vos amis ont participé ou incité à participer », a-t-il dénoncé, s’adressant aux élus à droite de l’hémicycle. Parmi les responsables visés, Aurélien Véron, élu Les Républicains et proche de la ministre de la Culture Rachida Dati, avait diffusé sur X une vidéo de la librairie, l’accusant d’antisémitisme en raison de la présence d’un album pour enfants intitulé From the River to the Sea.
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Des accusations que Violette and Co avait à l’époque contestées, rappelant le caractère militant et pluraliste de son fonds, ainsi que la nature strictement matérielle de la demande de subvention. « Il y a 40 librairies dans la liste. Ce n’est pas un hasard si la seule librairie lesbienne et LGBTQIA+ est pointée du doigt. Quand ce ne sont pas les titres sur la Palestine, ce sont ceux sur la transidentité », ont réitéré les cogérantes de la librairie, lors d’un rassemblement, jeudi 11 décembre, devant le siège de la région Île-de-France.
Une logique de censure ?
Au-delà de la subvention destinée à une quarantaine de librairies, dont faisait partie Violette and Co, un autre projet porté par l’enseigne au budget participatif handicap de la région avait également été écarté en commission, malgré un vote citoyen largement favorable à sa proposition visant à rendre accessible son espace en sous-sol.
Un « acharnement » pour Alice Coffin, élue de Paris pour le groupe Paris en Commun-Écologie, qui a rappelé que l’ouvrage à l’origine des crispations politiques, n’avait fait l’objet d’aucune remise en cause de la part du ministère de l’Intérieur, seul compétent pour contester la publication d’un livre. « Nombre de librairies sont confrontées à des violences et des menaces pour leur juste soutien au peuple palestinien », a-t-elle ajouté.
De son côté, Ian Brossat (groupe Communiste et Citoyen) a dénoncé une « logique de censure » visant les librairies qui vendent des ouvrages « que vous n’aimez pas ». Rappelant que l’ouvrage est également en vente à la Fnac, il a notamment accusé la droite républicaine de « marcher main dans la main avec l’extrême droite ».
« L’antisémitisme n’est pas une opinion mais un délit »
Des accusations qu’Aurélien Véron, du groupe Changer Paris, a qualifiées « d’intox », avant d’y répondre : « Nous soutenons pleinement la librairie indépendante (…). C’est pour cela que nous redemandons un vote dissocié pour soutenir 39 librairies de la liste. Nous refusons que l’argent public soit reversé à Violette and Co, qui continue d’assurer une promotion active de thèses relevant de l’antisémitisme et qui appelle à l’éradication de l'État d’Israël. L’antisémitisme n’est pas une opinion mais un délit qui, partout dans l’histoire, et encore aujourd’hui, mène à la violence et au terrorisme. »
De son côté, David Alphand (Changer Paris) a critiqué l’absence de la majorité de gauche lors de la précédente délibération. « Le groupe Changer Paris, avec Dati, a voté toutes les subventions aux libraires indépendantes depuis le début de la mandature », a-t-il rappelé. Francis Szpiner (groupe Demain – Paris) a quant à lui martelé : « C’est vous qui avez pris le risque de pénaliser toutes les librairies. Il vous suffisait, si vous étiez de bonne foi, d’accepter un vote dissocié, que nous aurions voté sans difficulté, comme nous l’avons toujours fait ».
Mais les arguments de la droite n’ont pas prévalu cette fois. Avec ce second vote, la majorité municipale a souhaité sécuriser l’ensemble du dispositif de soutien aux librairies indépendantes, en réaffirmant les critères de l’appel à projets et en dissociant les bénéficiaires afin d’éviter tout rejet global. « Le jury, à l’origine des dossiers retenus, a souhaité que nous présentions un article unique car il considère que c’est un appel à projet et ne veut pas cibler une librairie plutôt qu’une autre », a précisé Nicolas Bonnet-Oulaldj, rapporteur et adjoint à la Maire.
À la demande de Ian Brossat, le second vote a été organisé en scrutin public et dissocié : le premier, concernant Violette and Co, a été adopté par 90 voix contre 49, tandis que le second, concernant les 39 autres librairies, a été validé avec 139 votes pour. Pour Violette and Co, cette décision met fin à une période de tension politique et permet donc de relancer un projet d’aménagement attendu de longue date.
