La Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) a rendu jeudi 18 décembre son arrêt dans l'affaire entre Amazon et l’État français en qualifiant les frais de livraison minimaux de livres de mesure restrictive au commerce. Sans trancher définitivement le litige, la Cour renvoie l’affaire au Conseil d’État, qui l’avait saisie.
Une qualification juridique défavorable
Amazon EU, établi au Luxembourg, avait contesté devant le Conseil d'État la réglementation des frais de port, invoquant une violation de la directive sur le commerce électronique, de celle relative aux services dans le marché intérieur, ainsi que du principe de libre circulation des marchandises. Le gouvernement français défend ces dispositions au nom de la préservation de la diversité éditoriale et culturelle.
Dans son arrêt, la CJUE écarte d'emblée l'application des deux directives européennes invoquées par Amazon. Elle reconnaît que le législateur européen a expressément exclu que ces textes puissent s'appliquer aux mesures nationales visant à protéger la diversité culturelle et linguistique.
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Toutefois, cette exemption ne dispense pas la France de respecter le droit primaire de l'Union. La Cour estime en effet que la mesure doit être examinée exclusivement sous l'angle de la libre circulation des marchandises, et non des services, car elle affecte directement le prix global de vente du livre en tant que marchandise.
Une entrave au commerce intracommunautaire
Point crucial pour le secteur : la Cour juge que les règles sur les frais de livraison ne constituent pas une simple « modalité de vente » qui échapperait aux restrictions du droit européen. Elle souligne que, bien que s'appliquant formellement à tous les détaillants, cette réglementation pèse de manière disproportionnée sur la vente à distance et affecte davantage les opérateurs établis dans d'autres États membres.
Cette analyse qualifie la mesure française de « mesure d'effet équivalent » à une restriction quantitative, susceptible d'entraver l'accès au marché français des livres en provenance d'autres pays de l'UE.
Pas de changement pour l'instant
La Cour ne se prononce pas sur la justification éventuelle de cette restriction. Il appartiendra désormais au Conseil d'État de déterminer si l'objectif de préservation de la diversité culturelle et du réseau de librairies physiques justifie cette entrave au commerce intracommunautaire, et si la mesure est proportionnée à cet objectif.
L'arrêté du 4 avril 2023, pris en application de la loi Darcos du 30 décembre 2021, impose aux détaillants de facturer au minimum 3 euros pour la livraison de toute commande de livres neufs inférieure à 35 euros. Au-delà de ce seuil, la livraison peut être quasi gratuite. La livraison gratuite reste autorisée uniquement pour les retraits en librairie physique.
