Amazon et les libraires

Frais de port du livre : un an après, des résultats partagés

Les expéditions de livres ont légèrement baissé alors que les retraits en magasin ont augmenté depuis l'application du décret, selon les libraires. - Photo © ED

Frais de port du livre : un an après, des résultats partagés

Un an après l’application du décret sur les frais de port du livre, Amazon dévoile une étude Ifop à l’impact négatif sur la lecture et le pouvoir d’achat des Français. S'il observent eux aussi une évolution dans les pratiques d'acquisition des livres, les libraires sont bien plus positifs sur les effets de la mesure concernant leur activité.

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Par Éric Dupuy
Créé le 07.10.2024 à 16h09

Un an après l’application du décret portant à 3 euros minimum les frais de port de livres neufs jusqu’à 35 euros de commande en ligne, les bilans sont partagés selon les acteurs directement impliqués.

Sans surprise, Amazon, leader de la vente en ligne et vent debout contre cette régulation qu’il juge contre-productive, publie ce lundi 7 octobre une nouvelle étude Ifop* dont le résultat illustre l’impact négatif de cette mesure.

« Une mesure qui manque son objectif »

Consolidant les conclusions d’une étude similaire publiée en mars dernier pour un bilan à six mois de la réforme, celle-ci, réalisée sur un échantillon de plus de 12 000 Français représentatifs de la population âgés de 18 ans et plus entre le 30 juillet et le 27 août, conclut notamment que 44 % des acheteurs de livres déclarent que le prix plancher des frais de port les conduit à réduire leurs achats et donc à lire moins. « Cet effet est plus marqué auprès des catégories modestes et pauvres », précise Flora Baumlin, responsable de l’étude chez Ifop citée par le communiqué d’Amazon.

Pas de données sur l’activité d’Amazon…

Selon l’étude, seulement 26 % des Français retournant acheter des livres dans des points physique privilégient dorénavant les librairies indépendantes, contre 70 % pour les grandes enseignes ou maisons de la presse. « Cette mesure, supposée soutenir les libraires, manque son objectif », argue la multinationale dans son communiqué.

Cette étude basée sur du déclaratif doit montrer l’impact d’un point de vue général sur la consommation de lecture mais ne renseigne pas sur l’activité livre du géant en ligne. « Nous avons souhaité montrer l’impact d’un point de vue général sur la consommation de lecture et non du seul point de vue d’Amazon », déclare à Livres Hebdo un porte-parole d’Amazon.

…pas de données non plus sur celle des libraires

De son côté, le Syndicat de la librairie française (SLF) souhaite consolider les données de l’Observatoire de la librairie avant d’établir un bilan chiffré. « Nous allons (…) affiner ces données, en coopération avec les autres circuits de vente, hors Amazon, qui soutiennent également fortement la loi Darcos », promet son délégué général Guillaume Husson.

« Les expéditions de livres réalisées par les librairies ont légèrement baissé alors que les réservations, suivies d’un retrait en magasin, ont augmenté assez significativement », note Alexandra Charroin-Spangenberg, la nouvelle présidente de l’organisation.

Des propos en échos de ceux d’Astrid Canada, gérante de la librairie le Hall du livre à Nancy, qui confirme à Livres Hebdo « un impact positif même si on ne retrouve pas notre niveau de la période Covid ». Une incidence d’autant moins sensible que la libraire n’a pas réduit ses frais de port, contrairement à d’autres confrères. « En tout cas cette mesure intervient dans une période difficile pour le commerce de proximité en général avec beaucoup de choses qui jouent sur notre activité », commente-t-elle.

Regard des Français sur la taxe sur le livre d’occasion

La nouvelle étude Ifop pour Amazon ajoute une question sur la taxation du livre d’occasion, dont l’idée a été émise par le président de la République Emmanuel Macron en avril dernier, en marge du Festival du livre de Paris. Alors que deux tiers des Français sont défavorables à la proposition d’instaurer une taxe sur les livres vendus d’occasion, pour « 49 % des Français qui achètent des livres d’occasion, cela se traduirait par une baisse de leur lecture, faute de pouvoir acheter des livres », note l’étude.

Toujours en attente de la Cour de justice européenne

De quoi nourrir les arguments du géant américain contre ce que son directeur général France Frédéric Duval considère comme une « taxe à la lecture ». Saisie par l'entreprise, la justice administrative doit encore trancher sur la légalité de ces frais de port obligatoires. L'avis de la Cour de justice de l'Union européenne, sollicité par le Conseil d'État, est attendu dans les mois à venir. De l’autre côté, les libraires estiment qu’il est encore trop tôt pour tirer un bilan de la mesure.

Dans un entretien à Livres Hebdo paru la semaine dernière, le P-DG de la Fnac Enrique Martinez saluait la mesure attendue depuis 2021. « D’après les premières statistiques, il semblerait que cela ait rééquilibré les forces et réduit le poids de l’e-commerce, ce qui est logique puisque celui-ci pouvait drastiquement baisser les prix avec des frais de port gratuits », affirme-t-il.

Lire : Enrique Martinez : « Dans les paniers de la Fnac, un produit sur deux est un livre »

« L’évolution des pratiques se fera aussi petit à petit », rebondit Alexandra Charroin-Spangenberg tandis que l’étude Ifop note que parmi les Français qui achètent des livres, ils sont 56 % à « avoir réduit » globalement leurs achats en préférant emprunter « des livres à des proches », et 51 % à avoir aussi « réduit » leurs achats au profit de l'emprunt en bibliothèque.

Autres données qui manquent à ce stade et non des moindres, celles de l’impact de cette mesure sur l’activité des distributeurs et le point de vue des éditeurs.

*Retrouvez l’ensemble de l’Etude d’Ifop pour Amazon en document lié sur la gauche de cet article

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