Au café Eva, ils se retrouvent pour consommer leur jeunesse sans modération. Pour Josette, Pierre, Jean, Sarah, Lucienne ou Charlie, la guerre est là, mais ils n’en veulent pas. Dans ce Paris vert-de-gris, au son du Hot Club de France, de Jo Bouillon et de Django Reinhardt, ces adolescents aux pantalons larges et aux robes cocardières ont choisi le swing contre le Ring, le jazz contre la haine, la danse contre la mort. Le journal collaborationniste La Gerbe les qualifiait de "rejetons multicolores de la faune swing", mais l’histoire les a retenus sous le nom de zazous.
Gérard de Cortanze s’est sérieusement documenté pour faire revivre cette petite bande turbulente derrière laquelle défile toute la vie culturelle sous l’Occupation. On lit Sartre, Daphné Du Maurier, on boit de la bière à la grenadine, on se fait remarquer. On y croise même un Allemand francophile et fréquentable - il en faut toujours un dans les ouvrages sur cette époque - qui a le béguin pour Josette.
Ce roman est surtout l’occasion d’évoquer une génération oubliée qui ne fut pas que des beaux quartiers et qui manifestait son opposition par la musique, les vêtements, les rassemblements ou des mots sur les murs, comme le feront plus tard les hippies. Détestés par les collabos, traqués par les nazis, ces insolents qui n’hésitaient pas à porter une étoile jaune sur laquelle était écrit "zazou" furent aussi rejetés par la Résistance qui ne les prit pas au sérieux.
Et pour ceux qui aimeraient écouter ce qui faisait vibrer ces jeunes insouciants, Gérard de Cortanze a composé un choix d’une cinquantaine de titres dans un coffret de 2CD également intitulé Zazous aux éditions EPM (15 euros).
Laurent Lemire