L’histoire de la création des éditions Akinomé est celle d’une rencontre fortuite. Celle de Stéphanie de Bussierre, voyageuse dans l’âme et éditrice passionnée de géographie, et de Simon – peintre et écrivain-voyageur curieux de l’Extrême-Orient. À l’époque – en 2015 - Stéphanie de Bussierre est encore responsable éditoriale du département de géographie aux éditions Belin, qu’elle a rejoint en 1997. Mais tout bascule lorsque Simon lui confie un imposant carnet de voyage intitulé Voyages d’encre, carnets de Chine (2005-2013), relatant ses années passées dans l’Empire du milieu.
« Simon est un des pionniers du carnet de voyage en France, il a fait partie des premiers à en publier dans les années 2000. Or, j’ai eu beau frapper à toutes les portes, personne ne voulait publier cet ouvrage-là », se remémore Stéphanie de Bussierre. Pour donner vie à ce titre – qui remportera le Grand prix de la fondation Michelin et le prix Lotti - l’éditrice relève alors le pari audacieux de créer sa propre maison, dont le nom, Akinomé, s’impose comme un hommage à la culture nippone.
« Transmettre autrement le goût du voyage et la découverte du monde »
Dix ans plus tard, la maison distribuée et diffusée par Harmonia Mundi a publié près d’une centaine de titres, à raison d’une dizaine de nouveautés chaque année. Initialement centrée sur les récits de voyageurs-écrivains et sur l’Asie, elle a peu à peu élargi ses horizons, cultivant un intérêt – désormais central – pour les enjeux environnementaux. Depuis 2017, elle s’est également taillée une place sur le marché de la jeunesse, animée par l’envie de « transmettre autrement le goût du voyage et la découverte du monde ».

« J’ai toujours voulu défendre la géographie, notamment parce que c’est une matière trop peu valorisée à l’école. Moi, je l’ai surtout découverte à la faculté sous l’angle de la culture, de l’humain, et je l’ai adorée ! J’avais donc très envie de faire des carnets de voyage adressés aux enfants », relate l’éditrice.
La jeunesse, un secteur dynamique
Inaugurée avec Le Petit arbre voyageur de Simon, la collection s’est ainsi poursuivie avec Voyage en Amazonie, un récit tiré du voyage de Stéphanie de Bussierre aux côtés d’une tribu amérindienne, les Huni Kuin. Actuellement en cours de réimpression, le titre figurera dans une grande exposition intitulée « Amazônia, créations et futurs autochtones », au Musée du Quai Branly.
Depuis l’arrivée de Justine de Lagausie, ancienne directrice générale de Milan et fondatrice de l’agence Okidokid, spécialisée dans l’accompagnement d’éditeurs, le segment jeunesse a d’ailleurs pris une nouvelle dimension. Forte de 30 ans d’expérience, l’éditrice a ainsi contribué à l’essor des premières lectures avec le lancement d’une collection d’imagiers (Mon premier imagier du Japon, du Portugal…) et de la série Kotori.
En parallèle, la maison a développé un département de livres pratiques, accueillant aussi bien des ouvrages de cuisine (La cuisine bio japonaise, Les superaliments) que des titres liés à la santé et au bien-être (Naturopathie & émotions). « Ces livres ne se contentent pas de présenter des recettes : ils interrogent ce que signifie bien manger pour bien vivre », argue Stéphanie de Bussierre.
« Nous participons à 25 salons par an »
Mêlant littérature de voyage, géographie, jeunesse et enjeux environnementaux, la maison s’est ainsi imposée sur un créneau éditorial de niche, soutenue aujourd’hui par cinq collaborateurs autour de sa fondatrice. Et pour faire vivre la structure, l’équipe ne lésine pas sur les manifestations littéraires. « C’est bien simple, avec Emmanuel (mari de Stéphanie de Bussierre et président de la maison, en charge de la partie gestion-administration), nous participons à 25 salons par an, soit un week-end sur deux », détaille la cheffe des opérations.

Bondues, Bruxelles, Colmar, Saint-Malo, Rennes, Paris ou encore les Vosges – lesquelles accueillent le festival international de la géographie (FIG) où l’éditrice présentera son nouvel ouvrage, Mon Tour de France écolo -, sont autant de destinations parcourues pour pallier la sous-représentation de ses ouvrages en librairie.
« On n’a pas vraiment le choix, confie Stéphanie de Bussière. En tant que membre de l’Association des éditeurs indépendants d’Île-de-France, je suis aux premières loges de ce type de problématiques ». Celle de la surabondance éditoriale voulant ainsi qu’une nouveauté chasse la précédente, rendant la pérennisation d’un titre difficile, voire impossible.
Écologie et environnement, un choix sans compromis
Malgré les contraintes économiques, Akinomé se veut une maison résolument écologique. Stéphanie de Bussierre veille donc personnellement aux conditions de fabrication des ouvrages : exit le pelliculage, les papiers offset et les couvertures plastifiées ; place aux papiers certifiés, recyclés et recyclables, imprimés en Europe. Refusant le pilon, la maison privilégie également des tirages raisonnés, jamais supérieurs à 3 000 exemplaires, et redistribue les stocks invendus à des organismes comme Biblionef ou Bibliothèques sans frontières.
Et ce n’est pas tout : l’éditrice accorde désormais une attention croissante à la manière dont ses auteurs vivent et racontent leurs voyages. « Par exemple, dans Tous les trains du monde, Virginie Delache décrit ses excursions en Chine, au Japon ou en Égypte, des pays qu’elle a principalement explorés… en train », illustre l’éditrice. Car c’est là, au cœur de sa ligne éditoriale et de son identité, que réside la véritable ambition de la maison, pour les années à venir : apprendre à voyager autrement.