Le projet était déjà en maturation, mais les choses s’accélèrent. Suite à l’annonce des éditions Harlequin concernant les traductions de la collection « Azur », désormais appuyées par l’IA, la riposte s’organise. Traductrice depuis près de trente ans en freelance, Virginie Buhl a indiqué sur son compte LinkedIn : « Harlequin est donc passé du côté obscur de l’IA en renonçant à la traduction humaine. Une telle décision mérite qu’on réagisse et j’en profite pour sauter le pas et lancer un projet que je prévoyais de mettre en place progressivement. Le prix Lilith de la Romance, des Littératures sentimentales et de leurs adaptations en romans graphique n’attendra donc pas 2026 pour voir le jour. »
Une attention toute particulière pour la romance
La maîtresse de conférences en anglais à l’université de Franche-Comté n’y était pourtant pas prédestinée, comme elle le confesse à Livres Hebdo : « Je n’ai traduit que quelques romans sentimentaux pendant ma carrière, et je n’en suis pas spécialement lectrice, mais l’enthousiasme pour le genre m’a vraiment frappée. » L’appétence du lectorat romance pour les versions originales de leurs titres favoris le prouve : le genre, très populaire aujourd’hui, requiert une attention particulière en termes de traduction. « Certains passages doivent être remaniés pour davantage de clarté, à l’instar du passage du vouvoiement au tutoiement très présent dans certains romans. Cela nécessite une subtilité que seuls les humains peuvent produire à ce jour. » Idem pour les ouvrages contenant des scènes érotiques, « où certains mots crus passent moins bien en français qu’en anglais. »
D’où le choix de se concentrer sur la romance, et potentiellement sur son adaptation en roman graphique, une « décision non-définitive » en raison de la charge de travail que cette intégration nécessiterait. Seul candidat écarté à ce jour, le sous-genre de la dark romance. « Je suis encore partagée sur ce sujet, explique Virginie Buhl. La dark romance représente souvent des relations plutôt toxiques entre hommes et femmes, ce qui peut créer des schémas mentaux problématiques chez les plus jeunes. Pour autant, je ne suis pas opposée à en débattre. »
Le prix Lilith se découpera en plusieurs étapes : une phase de pré-sélection, où des étudiants en école de traduction retiendront une poignée de titres envoyés par des éditeurs, puis la décision finale, qui reviendra à un jury d’experts. Une sous-catégorie, Lilith+, sera aussi dédiée aux traducteurs à la carrière plus longue. « Je ne souhaitais pas mettre en compétition des professionnels qui n’ont pas le même bagage ; cela lèsera automatiquement ceux qui viennent de commencer. » La question de la dotation reste encore à définir.
