Livres Hebdo : Vous êtes à l’origine, fin 2005, de la création de Gallimard BD. Quelle a été la genèse de ce projet ?
Thierry Laroche : À l’époque la bande dessinée est encore largement formatée avec le fameux 48 CC (format de 48 pages, A4, cartonné, en couleur, ndlr), ou alors propose du noir et blanc pointu. Nous avons voulu faire autre chose, une bande dessinée relevant d’une certaine exigence littéraire et graphique, mais accessible au plus grand nombre, faisant la part belle à la couleur, à la jeunesse, aux récits longs, cultivant aussi un lien joyeux avec la littérature. Notre premier titre signé, Aya de Yopougon 1 de Marguerite Abouet et Clément Oubrerie, a été miraculeusement emblématique de notre démarche : un couple d’auteurs débutants, une voix féminine et franco-ivoirienne, un contexte africain quasi-inédit en BD, un public large et varié, constitué en grande part de lectrices.
Visuel des 20 ans de Gallimard BD- Photo GALLIMARDPour télécharger ce document, vous devez d'abord acheter l'article correspondant.
Au-delà de la reconnaissance critique, avec un prix à Angoulême, la série est devenue un best-seller en France et à l’étranger. Nous avons eu l’impression de participer à une certaine émancipation de la bande dessinée, et cela dans la collection « Bayou » dirigée par Joann Sfar qui avait pour principe de publier des récits de 120 pages en couleurs. Ça peut paraître étonnant aujourd’hui, mais c’était tout à fait innovant alors. Parallèlement, nous avons dès le début publié des adaptations de titres du fonds littéraire de Gallimard. Nous avons ainsi favorisé les rencontres d’Albert Camus et Jacques Ferrandez, de Pierre Mac Orlan et David B ou encore de Pierre Gripari et Florence Dupré la Tour…
« Les découvertes sont pour nous de grands bonheurs »
Qu’est-ce qui fait la spécificité de Gallimard BD aujourd’hui ? Quels ont été les grands moments de ces dernières années ?
Ces 20 années nous ont confortés dans nos convictions éditoriales : l’ambition de construire un catalogue dans la durée, de privilégier une politique d’auteurs, sans jamais cesser de chercher activement les nouveaux talents. La fidélité de nos auteurs et autrices historiques, la force de notre fonds (Aya de Yopougon et Akissi, Culottées et tous les titres de Pénélope Bagieu, la série jeunesse Lightfall, de Tim Probert, Le Petit Prince et les nombreux autres livres de Joann Sfar…) nous permettent de prendre des risques. Au total, j’ai compté 53 auteurs et autrices dont nous avons publié le premier livre. Récemment, les découvertes de Sylvain Bordesoules et Lisa Chetteau, pour n’en citer que deux, sont pour nous de grands bonheurs. Les réussites de nos adaptations aussi : la saga Otori par Melchior et Bachelier, la mythique Longue route de Moitessier par Melchior et Locard ou encore L’homme qui plantait des arbres par Lebonvallet et Casanave. Une autre spécificité du catalogue est la place importante que nous donnons à la bande dessinée étrangère. Nous regardons dans toutes les directions : de la Serbie (Nina Bunjevac) à Hawaï (R. Kikuo Johnson), en passant par Taïwan (Kathy Lam).
Exposition Gallimard BD décembre 2025 - métro François Mitterrand - Photo HAMDI CHREFPour télécharger ce document, vous devez d'abord acheter l'article correspondant.
Quels sont les projets à venir ?
Nous continuons de célébrer ces 20 ans, notamment dans le métro parisien, avec une grande exposition en partenariat avec la RATP à la station Bibliothèque François Mitterrand (jusqu’au 31 décembre), où huit de nos artistes accompagnent les voyageurs « du réel au fantastique » : Tillie Walden, Joann Sfar, Lola Lafon et Pénélope Bagieu, Tim Probert, Marguerite Abouet, Clément Oubrerie et Mathieu Sapin. Et nous commencerons l’année 2026 avec la très attendue adaptation de La Passe-miroir, de Christelle Dabos, par Vanyda. Avant l'été, nous publierons le non moins attendu quatrième volume de Lightfall. Et je crois que la sortie de L’anomalie, par Manuele Fior d'après l’œuvre de Hervé Le Tellier, sera un événement du mois de septembre. Mais nous publions peu et chaque livre est à nos yeux un événement.

