Laisse béton ! Les éditions Zones portent bien leur nom. La « zone » était cet espace en friche en dehors des fortifications de Paris. « Zones » ici est à entendre comme zones d'espace critique à défendre, c'est-à-dire au-delà des « fortifs » - cette doxa en béton armé de la parole dominante... D'ailleurs, revenons-y au béton, car ce matériau est littéralement le sujet d'un nouveau titre de Zones signé Léa Hobson, Désarmer le béton. Dans cet essai-manifeste pour « ré-habiter la terre », l'architecte, scénographe et militante écologiste franco-anglaise exhorte à une véritable prise de conscience : « Le béton laisse des traces matérielles, environnementales, économiques et psychologiques. À la différence des corps vivants, il ne redevient pas poussière. [...] Le BTP engendre 76 % des déchets en France, soit 213 millions de tonnes. » À l'échelle planétaire, ce sont 150 tonnes de béton qui sont coulées chaque seconde. La quantité de sable et de granulat nécessaire à la fabrication du béton constitue une catastrophe environnementale. Pour en saisir l'ampleur, il faut se figurer, comme l'illustre un petit dessin (l'ouvrage est ponctué de schémas et graphiques éclairants), un mur de 27 mètres de haut et de 27 mètres de large tout autour de la planète ! C'est la pollution à tous les étages, et par tous les pores de notre peau. La terre mais aussi l'eau, l'atmosphère... rien n'est épargné. Le béton tue. Des espèces sont menacées d'extinction par l'artificialisation des sols à cause de la destruction de leur habitat. Exemple du ver de terre : « En 1950 on estimait qu'il [en] y avait 2 tonnes [...] par hectare. Aujourd'hui il n'en resterait que 200 kg. Comment nommer un tel déclin sinon par le terme d'"annihilation biologique". »
On pourra toujours traiter d'Amish rétrogrades ceux qui alertent sur ce péril. Qu'ont les thuriféraires de la bétonisation à répondre devant ce constat : « Les terres artificialisées ont augmenté de 70 % depuis 1980 alors que la croissance de la population n'a été que 19 % » ? Contre le « patriarcat bétonné », Léa Hobson propose un nouveau modèle, un nouveau pacte - ne pas opposer les artisans et constructeurs du bâtiment, les architectes et les urbanistes aux naturalistes, aux écologues, aux zadistes... Unis, bâtissons une alliance pour le vivant, car comme l'a si bien dit Bruno Latour : « La nouvelle universalité, c'est de sentir que le sol est en train de céder. »
Désarmer le béton. Ré-habiter la Terre
Zones
Tirage: 5 000 ex.
Prix: 20 € ; 208 p.
ISBN: 9782355222290