RNL 2022

La semaine de 4 jours s'étend en librairie

Juliette Glandy et Rosalie Abirached (De beaux lendemains), Jean-Christophe Millois (Ecole de la librairie), Ronan Amicel (L'autre monde) et Olivier Rouard (Charlemagne) aux RNL 2022 ) à Angers. - Photo Olivier Dion/LH

La semaine de 4 jours s'étend en librairie

Un atelier très couru des Rencontres nationales de la librairie, le 3 juin à Angers, a permis de mesurer l’ampleur des bouleversements de la relation de travail provoqués en librairie par la crise sanitaire.

Par Fabrice Piault Angers,
Créé le 03.07.2022 à 18h31 ,
Mis à jour le 17.04.2023 à 09h30

Burn-outs, temps de travail ou encore rémunérations ont fait l’objet d’analyses et d’échanges d’expériences approfondis au cours d’un atelier animé réunissant autour de « l'évolution de la relation au travail » quelque 150 patrons et salariés de librairie, à peu près à parts égales, dimanche 3 juin aux 6e Rencontres nationales de la librairie à Angers. « La crise sanitaire a profondément changé la relation au travail », fait valoir Jean-Christophe Millois (Ecole de la librairie), qui anime les débats. « Après deux ans de Covid, les salariés sont très fatigués », souligne Ronan Amicel, directeur de la librairie L’autre monde, à Avallon. Au Brouillon de culture, à Caen, Laurent Layet a été confronté à trois burn-outs au sein de son équipe dans un contexte ou l’activité de la librairie a progressé de 40 % après le premier confinement.

Libérer des heures pour la formation

Première conséquence de cet ébranlement des conditions de travail, une demande massive des salariés de bénéficier d’un aménagement du temps de travail, qui se traduit dans plusieurs dizaines de librairies par la généralisation de la semaine de 4 jours. A L’autre monde, « j’ai passé toute l'équipe à 33h30 sur 4 jours, indique Ronan Amicel. Les salariés me doivent 1h30 par semaine, mais je l’utilise pour la formation, à laquelle ils participent plus depuis qu’ils sont payés. Il faut permettre aux salariés de bien récupérer, d’exercer leurs autres passions, ajoute le libraire d’Avallon. Finalement, quand ils sont là, ils sont vraiment là, car je leur permets de ne pas être là à d’autres moments. »

De même, à la librairie De Beaux lendemains, à Bagnolet, « nous sommes passés à 32h sur 4 jours, indique Rosalie Abirached, qui relève que la formule se répand un peu partout. Les heures manquantes, par rapport aux 35h contractuelles, servent pour les animations en soirée. » Chez Folies d’encre, à Montreuil, « nous aussi, les patrons, nous sommes rendus compte que nous étions fatigués, que nous pouvions fermer plus tôt, que nous pouvions fonctionner avec moins d’animations, observe Amanda Spiegel. Nous nous sommes donc naturellement mis à la semaine de 4 jours, avec 32h30 par semaine et une journée de plus par mois, aussi grâce à des méthodes de travail plus efficaces. Cependant, à Paris, où les salaires de base ne suffisent pas à payer un loyer, nous ne pouvons pas nous passer des heures supplémentaires. »

Rémunérer les temps d’animation

« La semaine de 4 jours n’est plus taboue, d’autant que nous restons très contraints au niveau des salaires », résume Olivier Rouard. Le patron des librairie Charlemagne, à Toulon, s’attire, depuis la salle, la réaction d’une libraire salariée : « c’est bien que les 4 jours ne soient plus tabous, mais ce qui ne devrait plus l’être non plus, c’est l’argent. On nous demande d’être diplômés, c’est bien, mais commencer au Smic, cela pose problème. » « De plus en plus de gens passent par l’école de la libairie, mais les salaires n’ont pas changé », admet Jean-Christophe Millois.

Tandis que Ronan Amicel note que ses salariés « prèfèrent disposer de plus de temps libre que de gagner plus en travaillant plus », Olivier Rouard rappelle que « la grille du SLF permet de définir des salaires en fonction de la formation et des parcours. » Pour lui cependant, « tant que nous n’améliorerons pas nos remises chez les distributeurs, avec 36 % minimum, nous n’aurons pas de marge de manœuvre. »

Le libraire toulonnais se pose aussi « des questions sur une rémunération complémentaire des animations ». « Avant, un salarié n’était pas rémunéré pour animer une rencontre ou aller à une présentation de rentrée à Paris sous prétexte que c’était du plaisir, rappelle Rosalie Abirached. Maintenant nous le rémunérons, en argent ou en récupération – c’est ce qu’ils préfèrent. De nos jours, on ne peut plus dire que le caractère valorisant d’un travail justifie de ne pas le rémunérer. »

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