La poussée du e-commerce

La poussée du e-commerce

Sur un marché du livre en repli de 1,5 %, les ventes sur Internet auraient progressé d’environ 25 % en 2006. Le marché reste très concentré autour de quelques grandes structures.

avec Clarisse Normand (Livres Hebdo) Créé le 15.04.2015 à 23h36

« Le commerce en ligne est désormais la deuxième activité la plus populaire sur Internet (80 % des internautes), juste derrière l’utilisation de la messagerie instantanée et des courriels (88 %) », annonçait Renaud Dutreil, ministre des PME, du commerce et de l’artisanat, lors de la récente présentation du bilan 2006 du e-commerce. A cette occasion, la Fédération des entreprises de vente à distance (Fevad) a précisé que cette activité avait généré un chiffre d’affaires de plus de 12 milliards d’euros en 2006. Soit une croissance de 37 % par rapport à 2005 et un doublement par rapport à 2004. La montée en puissance de ce canal de distribution s’affirme tant du côté de l’offre (plus de 17 500 sites marchands, dont 6 000 apparus en 2006) que du côté de la demande (plus de 18 millions de cyber-acheteurs contre 13 millions en 2005). Si l’augmentation des ventes a largement profité aux articles techniques et technologiques, les produits culturels ont continué à être très plébiscités, notamment en fin d’année, période durant laquelle ils figurent en tête des produits les plus achetés. Dans ce contexte, le livre affiche même (si l’on sépare CD et DVD) le plus fort taux de pénétration auprès des cyber-acheteurs à 26,7 %. Bien que peu de chiffres circulent sur ce marché, on peut recouper certaines données et estimer la part d’Internet dans le commerce du livre à un peu plus de 4 %, contre plus de 3 % fin 2005 (1). Soit une augmentation d’au moins 25 %, largement alimentée, compte tenu de la forte concentration de l’activité, par une petite poignée d’acteurs.

Chez Amazon. Alors que la maison mère américaine devait présenter, jeudi 1er février, ses résultats 2006, Amazon.fr annonce avoir conforté son leadership. Selon Xavier Garambois, directeur général d’Amazon France, « 2006 se solde par une accélération de la croissance, non seulement pour l’électronique grand public, mais aussi pour les produits culturels au sein desquels le livre reste notre première ligne d’activité ». Profitant des développements techniques initiés aux Etats-Unis, ce département aurait progressé « légèrement plus qu’en 2005 », grâce à l’enrichissement de l’offre et des services (programme « recherche au cœur », meilleure disponibilité des ouvrages grâce au dépôt-vente) et grâce à la gratuité des frais de port, toujours d’actualité, en attendant l’issue du procès engagé par le Syndicat de la librairie française (SLF). Mais le développement des activités d’intermédiation, via le « marketplace » (2) qui fédère l’offre de partenaires-libraires de plus en plus nombreux, a aussi conforté l’assise du site. Selon nos estimations, Amazon.fr réaliserait quelque 50 % des ventes de livres sur Internet… avec un chiffre d’affaires d’au moins 70 millions d’euros.

A la Fnac. Filiale de la Fnac, Fnac.com a aussi naturellement profité de la croissance du marché, ce dont devrait témoigner son chiffre d’affaires qui sera présenté mi-février. Outre d’importants efforts sur la dématérialisation des contenus audiovisuels et sur l’organisation logistique, l’année 2006 a été marquée par le développement des synergies entre le réseau virtuel et le réseau physique des magasins (commande en magasin reçue directement à domicile…). Numéro deux du marché pour les ventes de livres sur Internet, Fnac.com représenterait 7,5 % du chiffre d’affaires livres de la Fnac, si l’on en croit les récents propos de Franck Leprou, directeur général, à notre confrère Le Monde. Ce qui situerait le montant des ventes non loin de 40 millions d’euros.

Sur Alapage. Troisième acteur, Alapage.com, enseigne de France Télécom e-commerce, aurait enregistré une hausse de 24 % de son chiffre d’affaires pour le livre en 2006, selon Christophe Lasserre, son directeur général. « Si la demande reste toujours centrée, à 65 %, sur le fonds de catalogue, 2006 a enregistré un développement notable des rayons BD et tourisme. » Outre les efforts pour « dévirtualiser » l’achat en ligne (accès aux premières lignes des œuvres, à des revues de presse…), le site joue la carte des partenariats avec son « marketplace ». Parallèlement, pour les libraires désireux d’avoir une vitrine sur Internet, Alapage propose l’accès à une base de données mutualisée et à ses services logistiques, via un autre site, Lalibrairie.com, qui aujourd’hui « fédère plus de 1 000 libraires et affiche une croissance de 34 % pour 2006 », selon Christophe Lasserre. Pas plus que ses confrères, le dirigeant ne dévoile son chiffre d’affaires. Mais il conteste les estimations classiques des diffuseurs-distributeurs selon lesquelles Alapage.com réaliserait deux fois moins de chiffre d’affaires que Fnac.com, qui en réaliserait deux fois moins qu’Amazon.fr. En ce sens, il argue qu’une partie des commandes d’Alapage.com « leur échappe et passe par La Générale du livre, notre société sœur au sein de France Télécom e-commerce » (bien qu’ayant des comptes séparés auprès de leurs fournisseurs, les deux enseignes disposent d’un stock central commun).

Et chez Chapitre. Quatrième opérateur, spécialisé sur le livre, Chapitre.com aurait enregistré, en 2006, un chiffre d’affaires de 14 millions d’euros (contre 10 millions en 2005), dont 35 % avec des ouvrages neufs et 65 % avec des ouvrages rares et d’occasion. Indépendant toujours détenu et dirigé par son fondateur Juan Pirlot de Corbion, le site mise sur les partenariats. Outre ses stocks propres, Chapitre.com travaille, en amont, avec un réseau de 3 000 libraires partenaires et, en aval, vend via le « marketplace » d’Amazon et via Fnac.com.

A côté de ces quatre grands opérateurs, certains sites se sont construits sur un modèle de plate-forme destinée seulement à mettre en relation acheteurs et vendeurs. Dans le domaine du livre, le modèle vaut surtout pour les livres rares et d’occasion, qu’ils soient vendus par des professionnels ou des particuliers. Ainsi du canadien Abebooks, présent en France avec une version francophone de son site. Parmi les différentes plates-formes développées par le groupe, Abebooks.fr affiche, en 2006, la plus forte croissance (+ 60%). Mais sa contribution au chiffre d’affaires global (170 millions de dollars US) reste encore « inférieure à 10 % ». Réalisant le gros de leur activité avec les particuliers, des sites comme Priceminister, e-Bay, 2foismoinscher, etc., ne peuvent pas non plus être négligés.

On le sait, mais 2006 l’a encore confirmé, internet est devenu incontournable. Résultat, en dépit de la concurrence, de la nécessité d’enrichir sans cesse l’offre et les services, et donc en dépit des investissements et des coûts pour exister sur la Toile, les projets de sites de vente de livres se multiplient aujourd’hui. Celui du pôle librairie de France-Loisirs (qui regroupe les enseignes Privat, Place Media et Forum Espace Cultures), mais aussi celui, ou plus exactement, ceux des libraires indépendants. Le groupement Initiales a décidé, lors d’une assemblée générale le 22 janvier, d’élargir son site vitrine en site marchand, du moins pour commencer autour de ses livres « Coup de cœur »… Tandis que le SLF étudie la création d’un portail collectif.

(1) Voir LH 617 du 13.10.2005, p. 6 (2) Voir LH 668 du 1.12.2006, p. 6.

Publié dans Livres Hebdo N° 675 du 2 février 2007, p. 70.

(Photo : Olivier Dion)

15.04 2015

Auteurs cités

Les dernières
actualités