« Amazon s’arroge le pouvoir d’interpréter le droit à son profit et de fouler aux pieds la loi votée par le Parlement souverain ». C’est en ces termes qu’Alexandra Charroin Spangenberg, présidente du Syndicat de la librairie française (SLF), Pierre Coursières, président du Syndicat des distributeurs de loisirs culturels et Enrique Martinez, directeur de général de Fnac Darty, ont exprimé leur mécontentement, suite au projet d’Amazon de recourir à des points de retrait dans les supermarchés pour y déposer, sans frais de port, des commandes en ligne de livres neufs.
Dans une tribune publiée jeudi 21 novembre dans Le Monde et reprise par le SLF sur son site, les acteurs de l’interprofession dénoncent un « mauvais perdant » qui « s’estime au-dessus de la volonté du législateur français, lequel avait pourtant, dans les débats parlementaires, exclu ces casiers des modalités de livraison. »
Avec la mise en place de cette opération dans plus de 2 500 points de vente, le géant de l'e-commerce s’appuie sur la possibilité laissée aux entreprises de livrer gratuitement les commandes de livres sans limite de prix, dès lors que les retraits sont effectués dans des commerces qui vendent déjà des livres.
« Une stratégie de prédation »
Or, pour les représentants des librairies et des enseignes de distribution culturelle, ce type de manœuvre surinterprète la notion de « commerce de vente au détail de livres », pour mieux alimenter une « stratégie de prédation, qui consiste à détricoter toutes les dispositions qui font obstacle à l’extension de son empire ».
Les professionnels rappellent également l’importance de la loi Lang de 1981 – régulation qui assure « l’égalité des citoyens devant le livre, le maintien d’un réseau très dense de distribution et le soutien au pluralisme dans la création et l’édition ». Et saluent la correction d’un trou juridique, comblé, depuis, par la loi Darcos, votée en 2021.
« Une bataille culturelle »
Pour ces derniers, les tentatives de déstabilisation d’Amazon mettent de nouveau en péril la préservation de l’écosystème du livre : « C’est une authentique bataille culturelle qui se joue sous nos yeux », déclarent-ils, appelant les autorités à « mettre immédiatement fin à ce trouble à l’ordre public culturel. »
Certains d’entre eux, à l’instar du SLF, ont interpellé la ministre de la Culture dès l’annonce faite par Amazon. En réponse aux inquiétudes des professionnels, Rachida Dati a donc saisi, mardi 19 novembre, l’avis du médiateur du livre, qui rendra son verdict fin janvier après avoir auditionné les différentes parties.