Un an après

Pass Culture : en Italie, une réforme qui passe mal

Le pavillon d'honneur de l'Italie à la Foire du livre de Francfort en 2024 - Photo ©ED

Pass Culture : en Italie, une réforme qui passe mal

La réforme du pass Culture mise en place en début d’année en Italie est considérée comme mal calibrée par les éditeurs transalpins. En un an, ils ont perdu près de 50% des revenus liés au dispositif. 

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Par Éric Dupuy
Créé le 25.11.2024 à 17h25 ,
Mis à jour le 25.11.2024 à 20h42

En Italie, le bonus cultura initialement connu sous le nom de 18app, permettait aux jeunes de 18 ans de bénéficier d’un crédit universel de 500 euros pour des achats culturels, principalement des livres, depuis 2016. Ce dispositif a inspiré le gouvernement français pour mettre en place en 2021 le pass Culture, dont le budget et la gestion doivent être réformés. 

En 2024, l’initiative italienne a été remplacée par deux cartes distinctes, chacune avec des critères restrictifs. La première, appelée « carte des dix-huit ans », était réservée aux jeunes issus de familles à revenus modestes. La seconde, « carte du mérite », s’adressait aux élèves ayant obtenu les meilleures notes au diplôme de fin d’études secondaires. 

Selon Piero Attanasio, le responsable des relations publiques de l’Association des éditeurs italiens (AIE), « seuls 66 % des jeunes éligibles à la carte du mérite se sont inscrits, un chiffre décevant pour une mesure censée récompenser les meilleurs élèves, souvent les plus intéressés par la culture ». 

Un impact direct sur le marché du livre

Le précédent système, universel, avait permis de soutenir efficacement l’industrie du livre. En 2023, la 18app a généré 220 millions d’euros de dépenses, dont environ 60 % alloués à l’achat de livres. En comparaison, les deux nouvelles cartes, dotées d’un budget de 190 millions d’euros, peinent à trouver leur public. Les prévisions indiquent que moins de 100 millions d’euros seront dépensés d’ici la fin de l’année. Un manque à gagner significatif pour le secteur éditorial. 

« L’introduction de critères restrictifs a créé une bureaucratie décourageante pour les jeunes », souligne piero Attanasio. En effet, l’obligation de fournir des documents familiaux complexes pour démontrer son éligibilité a rebuté de nombreux bénéficiaires potentiels. En outre, le gouvernement n’a mené aucune campagne de communication pour promouvoir cette réforme. 

Des librairies et éditeurs en difficulté 

L’AIE estime que le manque à gagner pour le secteur du livre s’élève à 60 ou 70 millions d’euros par rapport à l’année précédente. « Les jeunes de 18 ans représentaient une part importante des ventes de livres grâce à la 18app. Sans ce soutien, les librairies indépendantes, déjà fragilisées, risquent de subir de plein fouet cette baisse de revenus », avertit le représentant. 

Pour l’association, la diversification du pass Culture en deux cartes est une erreur. « Nous avions proposé une solution hybride : une carte universelle pour tous, avec un supplément pour les jeunes défavorisés, poursuit Piero Attanasio. Cela aurait permis de préserver l’universalité du système tout en respectant l’objectif du gouvernement d’aider les plus pauvres. » 

Un parallèle avec le débat français 

En France, le pass Culture, qui accorde une enveloppe de 300 euros à tous les jeunes de 18 ans, est également en cours de révision. Certains craignent une restriction des usages ou une réduction du budget, au détriment des achats de livres. « Si vous imposez des restrictions excessives ou réduisez l’accessibilité, vous risquez de couper un lien vital entre les jeunes et la culture », avertit le représentant de l’AIE. 

L’association préconise de maintenir une base universelle, d'alléger les contraintes administratives et de promouvoir activement le dispositif. Comme le résume le représentant italien, « un pass Culture n’est pas seulement une dépense, c’est un investissement dans l’avenir culturel et éducatif des jeunes. »

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