Anna, profil perdu. C'est l'histoire d'un homme rentré sans trop de mélancolie ni de douleur dans le soir. Le narrateur d'Au fond des années passées, le nouveau roman du Danois Jens Christian Grøndahl - un des plus beaux regretteurs d'hier de notre paysage littéraire -, a connu sans doute des jours meilleurs. Ce sexagénaire a à peu près tout perdu : sa fille, partie étudier à l'étranger, sa femme, dont il vient de divorcer, et sa santé puisqu'on vient de lui diagnostiquer la maladie de Parkinson. Malgré tout, il fait contre mauvaise fortune bonne mine, moins par stoïcisme que par une nature volontiers indolente, voire inconséquente. Rien ne saurait vraiment toucher cet « homme sans qualité » qui a de toute façon toujours plus ou moins marché à côté de sa vie. Depuis ce jour, trente-sept ans auparavant, où il a perdu, par jalousie et une certaine forme de timidité négligente, la seule femme qu'il ait jamais vraiment aimée... Or voilà qu'aujourd'hui, cette femme, Anna, il l'a retrouvée par hasard dans Copenhague et elle lui a posé la même question que lorsqu'ils avaient 20 ans : « As-tu envie de me rendre visite ? »
Il n'y a que la vie pour proposer ainsi ce genre de scénario de feel-good book. La vie ou la littérature. Celle de Grøndahl donc, qui va chercher ses livres dans les librairies de gare et les amène toujours du côté de chez Proust. Au fond des années passées ne cesse de feinter son argument premier (« nos deux amants du temps jadis sauront-ils se retrouver ? ») au bénéfice du dialogue intérieur intense de son narrateur. Parfois, le temps passe, et parfois, on l'a déjà dépassé...
Au fond des années passées
Gallimard
Traduit du danois par Alain Gnaedig
Tirage: 7 000 ex.
Prix: 21 € ; 224 p.
ISBN: 9782073034953