Les mots de la fin. « Y a-t-il une vie après la mort ? » C'est une question essentielle à mesure que l'âge avance. Pour y répondre, qui de mieux qu'un amateur de fantômes, auteur du fameux Tour d'écrou (1898) et pour tout dire l'un des grands auteurs américains ? Henry James (1843-1916) a publié ce texte en deux livraisons en 1910 dans Harper's Bazar (devenu Harper's Bazaar en 1929). Il était jusqu'alors inédit en français. Il faut donc saluer le travail de Lionel Leforestier sur cette édition. Le traducteur, notamment de Chesterton et de Virginia Woolf, assure la version, les notes et une importante postface en guise de beau portrait psychologique pour resituer ce bref essai dans l'œuvre.
Henry James n'a pas encore obtenu la nationalité britannique (il l'aura en 1915) quand il répond à la demande du magazine. Il a près de 70 ans, il est dépressif et il craint l'appel de la camarde. On peut donc voir dans cet essai un travail de consolation, à la manière de Boèce, le philosophe chrétien du vie siècle. On y trouve aussi en filigrane l'image de William James, le frère aîné philosophe, fondateur du pragmatisme, admiré et intimidant. Il s'agit donc d'être à la hauteur de l'interrogation. Et pour se sortir de l'ornière, Henry James retourne l'interrogation en demandant si certains sont vivants avant leur mort. « L'observateur ne voit guère pourquoi l'univers devrait se mettre en peine d'un nouveau départ pour ceux dont le premier a si manifestement tourné au gâchis. » La réponse nécessite deux parties. Dans la première, James envisage la mort comme le dernier mot de la fin. Dans la seconde, il fait appel aux apparences trompeuses en préservant ainsi la notion d'espérance.
Lionel Leforestier résume : « La mort dans la vie, les existences gaspillées, inaccomplies, manquées, le tintement amer du "trop tard" sont l'un des fils rouges de l'œuvre. » Il n'y aura sans doute pas de deuxième chance, mais on peut donner à la première une forme plus accomplie. On peut parvenir à contenir ce qui est. Mais ce qui n'est plus ? James finit donc par retenir l'hypothèse d'une vie dans l'au-delà, à travers la survie de la personnalité. La vie après la mort, c'est celle que nous accordons aux défunts, à travers nos pensées, nos souvenirs. On l'aura compris, cette interrogation sur la mort est un appel à la vie. Voilà, en tout cas, un petit livre délicat qui, bien placé, devrait trouver ses lecteurs en librairie.
Y a-t-il une vie après la mort ?
Vagabonde
Traduit de l'anglais (États-Unis), annoté et postacé par Lionel Leforestier
Tirage: 600 ex.
Prix: 12 € ; 88 p.
ISBN: 9782919067664