La 18e édition du festival Quais du Polar s’est tenue du 1er au 3 avril à Lyon autour de la thématique de la ville. Plusieurs rendez-vous étaient consacrés au paysage urbain dans le polar. Parmi eux, "Les veines noires de nos villes" animée par la libraire Marie Michaud, en compagnie de Olivier Gallien, Nicolas Geibel, Karim Madani et de Tristan Saule. De ces échanges, la ville transparaît comme un personnage à part dans les récits.
La ville, un outil de la narrative non fiction
Dans leurs ouvrages, les lieux décrits par les auteurs ne sont pas laissés aux hasard. A l’image de Nicolas Geibel qui choisit dans son premier roman Cité (Julliard) de prendre pour décors le 11e arrondissement de Paris. Le quartier a été touché en 2015 par les attentats terroristes : La Belle équipe rue de Charonne ou encore le Bataclan, boulevard Voltaire. "J’ai voulu inscrire l’horreur réel dans le récit, sans parler directement des attentats", raconte l’écrivain.
Après Mathilde ne dit rien, Tristan Saule garde le cadre de sa ville fictive dans la suite Héroïne : Chroniques de la place carrée (Le Quartanier). Même si la ville où se déroule les événements a un nom fictif, elle s'inspire d'un quartier populaire à Auxerre. Un quartier que le libraire de formation connaît bien pour habiter à quelques minutes. Pour lui, le changement de prénom permet d’avoir une liberté dans la narration comme par exemple une altération de la topographie réelle du quartier d’Auxerre.
L’autre opportunité est de toucher d’autres lecteurs que les Auxerrois. "Le phénomène d’identification est plus fort : les quartiers populaires dans les villes de campagnes se ressemblent tous", explique l’écrivain. Le polar sert ici à montrer les déchirures de la ville. Chez Olivier Gallien, la cassure est nettement inscrite dans le paysage de son premier roman Dans la neige ardente (R Laffont). En pleine guerre, la ville couverte d'une neige de cendres est coupée géographiquement en deux parties.
Raconter les disparités sociales
La ville revêt également un voile politique dans les polars. Tristan Saule a cherché dans son roman à montrer le quotidien des habitants de ces quartiers populaires. "Ils sont accolés à un imaginaire de la violence véhiculé par des médias ou des films comme 'Bac Nord' où l’on voit des personnages avec des kalachnikovs, or en majorité, ces gens sont des oubliés de la société", défend l’auteur. Les deux parisiens de la rencontre, Karim Madani et Nicolas Geibel, ajoutent : "Les logements sociaux apportent une mixité, sans eux Paris serait juste une ville musée".
Karim Madani décrit la ville de Paris dans Tu ne trahiras point : une plongée dans les entrailles de Paris sur les traces des graffeurs vandales (Marchialy). Cette fois, les préjugés assimilés aux habitants des quartiers populaires sont destinés aux graffeurs. "Le tag reflète faussement une idée d’insécurité", dénonce l’écrivain. Dans son livre, il retrace la scène vandale parisienne à travers notamment Luc, alias Comer. Ce dernier est connu pour avoir graffé son nom sur les rames de métro et de RER dès les années 1980.