Un coup de folie. En apparence, la vie de Paul Virsac ressemble à un long fleuve tranquille. Niçois, d'une mère immigrée des Pouilles, il est un professeur d'italien estimé au lycée Masséna. Il s'est marié trop jeune avec Gaby, sa toute première et unique petite amie, une receveuse des PTT au fort caractère. Ils ont deux filles, Suzanne, l'aînée, sa chouchoute, et Colette, la cadette, dont la naissance constitue le premier secret de cette famille, qui nous sera révélé au fil du roman. Nous sommes en 1964, en pleine période yéyé. Gigliola Cinquetti remporte l'Eurovision avec sa bluette adolescente, Non ho l'età (« Je n'ai pas l'âge »). Paul, lui, a 44 ans et, comme toutes les vacances scolaires et tous les étés, il emmène sa petite tribu dans la 404 familiale vers l'Italie. Ce sera en Toscane cette fois. Ils ont réservé pour deux semaines une pension à San Donato in Poggio, un peu à l'écart de Sienne et de Florence. Le professeur a prévu et organisé un planning de visites culturelles intensif. Les filles, elles, aimeraient bien un peu de farniente et de shopping. L'hôtel est cosy, la patronne, Sophia, chaleureuse, et le cuisinier, le beau Sandro, vient servir le dîner en salle. Ce séjour s'annonce bien, jusqu'au jour où Paul, resté quelques heures à lire au soleil, attrape une insolation. Il va devoir garder la chambre. C'est là que le rejoint Sandro, et que son destin, et celui de toute la famille, va basculer. On n'en dira pas plus.
Toute sa vie, Gaby fera l'omerta sur son époux, qu'elle prétendra décédé pour ses filles et son entourage. Il ne mourra pourtant qu'en 2004. Suzanne, pour sa part, s'était bien doutée de quelque chose mais n'avait pas souhaité remuer le passé. Cependant, après la disparition de sa mère en 2010, et avant sa propre mort en 2013, elle accepte de se confier un peu à son fils, le narrateur, lequel est opportunément écrivain. Celui-ci va se livrer à une véritable enquête, à un jeu de pistes à la recherche de ce grand-père qu'il n'a pas connu mais à qui le lient des affinités particulières, une espèce d'hérédité. Il se rend près de San Donato où, enfin, l'attend la vérité...
Avec son talent coutumier, son art de mêler la fiction et l'autofiction, de nouer avec son lecteur conquis une relation familière et complice (quitte à l'embrouiller), Philippe Besson signe ici l'un de ses tout meilleurs romans, astucieusement construit, sur un thème qui lui est cher : chacun de nous doit s'assumer librement, « suivre sa pente, pourvu que ce soit en montant » comme disait Gide, en dépit des préjugés, de la bêtise et de l'intolérance. Aujourd'hui, cela paraît possible, selon les pays. Mais en 1964, dans la petite bourgeoisie provinciale française comme en Italie, cela semblait scandaleux. Pourtant, Paul et Sandro, les courageux héros d'Une pension en Italie (titre qui ne rend pas tout à fait justice au roman) l'ont fait.
Une pension en Italie
Julliard
Tirage: 70 000 ex.
Prix: 21 € ; 240 p.
ISBN: 9782260056782
