Seconde jeunesse. Après le succès des Frères Sisters (Actes Sud, 2012), adapté au cinéma par Jacques Audiard, on aurait pu craindre que Patrick deWitt voie en l'écriture un moyen de faire carrière, en exploitant le filon du western ou en reproduisant une recette qui avait séduit jusqu'à Hollywood. Mais deWitt ne s'est jamais tenu à un genre particulier, s'adonnant ainsi avec bonheur au conte cruel (Heurs et malheurs du sous-majordome Minor, Actes Sud, 2017) et à la comédie satirique (French Exit, Actes Sud, 2020). Sans jamais se départir d'un humour délicieusement british, voire grinçant, qui relève l'intrigue de ce nouveau roman.
L'homme qui aimait les livres, c'est d'abord l'histoire d'un brave type, Bob Comet, 71 ans, en bonne santé, « pas malheureux ». Bob vit à Portland dans une maison vert menthe, où il passe ses journées à « lire, cuisiner, manger, ranger ». Bibliothécaire à la retraite, il a passé sa vie dans les livres, qui lui ont permis de surmonter un drame survenu dans sa jeunesse : le départ de son épouse Connie avec Ethan, son meilleur ami. Chaque jour, Bob sort marcher, laissant ses pas le guider « au gré de ce qu'il entendait ou voyait de potentiellement prometteur dans telle ou telle rue potentiellement prometteuse ». Jusqu'à ce jour où, au 7-Eleven du coin, il tombe sur une femme portant autour du cou, comme les enfants en sortie scolaire, une carte plastifiée suspendue à un cordon. « Je m'appelle Chip et je vis à la résidence seniors Gambell-Reed. » En citoyen charitable, Bob raccompagne Chip, visiblement perdue, jusqu'à cette résidence... qui devient dès lors sa seconde maison. Là-bas, il rencontre Maria, aide-soignante, Linus, amateur de tennis féminin, Jill, joueuse de bridge convaincue que son radiateur lui prédit un avenir en enfer, et une résidente obligeant soudain Bob à se retourner sur son passé.
Les marginaux, les inadaptés, ont toujours eu la préférence de Patrick deWitt, dont la plume allie à leur égard dérision et tendresse, cette seconde composante l'emportant dans ce livre, moins piquant que les précédents. Portrait d'un attachant introverti, L'homme qui aimait les livres se savoure comme une étude de caractère d'un naturalisme suranné mais tout sauf déplaisant. On y a perçu un hommage au père de l'écrivain qui, pour les 12 ans de son fils, lui avait légué sa bibliothèque, encourageant ainsi sa vocation.
L'homme qui aimait les livres
Actes Sud
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Emmanuelle et Philippe Aronson
Tirage: 5 000 ex.
Prix: 22,80 € ; 384 p.
ISBN: 9782330206246