Cracheuse de feu. Deux ans après son essai Le gaslighting ou l'art de faire taire les femmes, la philosophe et romancière Hélène Frappat signe un court roman explosif qui met en scène une dictatrice fasciste complètement allumée. Nerona dirige le pays en multipliant les décrets - jusqu'à trois par jour, selon l'humeur. Elle manie la novlangue et les fake news à la perfection, réécrit l'histoire tout en reprochant à ses opposants, les wokistes, de le faire, voue une adoration pour la politique-spectacle et relaye ses idées et désirs par le biais de médias encore plus extrêmes, qui la soutiennent aveuglément. L'emblème de son parti ? Une flamme tricolore accompagnée d'un acronyme FEU (Force, Énergie, Union). Difficile de ne pas reconnaître, derrière le personnage de Nerona, dite « Monsieur le Prince » (depuis le décret du 13 octobre), les traits et les attitudes aussi grotesques qu'horrifiques de figures politiques contemporaines, qui elles-mêmes semblent tout droit sorties de comics. Hélène Frappat détourne (à peine) certaines manipulations politiques : « Le Protocole de Rétention, en vérité, est un acte de réanimation ! [...] Pourquoi croyez-vous que le Prince a décidé de mettre fin aux missions de "sauvetage" de migrants, repêchés illégalement dans notre espace maritime qu'il faut sécuriser de toute urgence ? » L'autrice décrit aussi l'environnement intime de cette Nerona tyrannique, née dans un gynécée marqué par une tragédie, l'incendie de la maison familiale. Et si son but était de renouer avec ce motif originel ? « Si tout finit dans le feu, brûlons ensemble ! »