"Nous perdons aujourd’hui un grand homme de théâtre et un grand penseur de notre métier", écrit Eric Ruf, administrateur général de la Comédie-Française, en hommage à celui qui fut son prédécesseur de 1990 à 1993. Le dramaturge, metteur en scène, intellectuel et grand homme de théâtre Jacques Lassalle est décédé mardi 2 janvier à 81 ans.
Né en 1936 à Clermont-Ferrand, Jacques Lassalle rejoint la famille du théâtre français comme étudiant-comédien au Conservatoire de Nancy, puis dans la classe de Fernand Ledoux au Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris (CNSAD). Parallèlement à une carrière de professeur, il fonde en 1966 le Studio-Théâtre de Vitry (Val-de-Marne), où seront jouées ses premières mises en scènes des textes de Marivaux, Goldoni et Shakespeare. Alors que le Studio-Théâtre se professionnalise et donne des représentations au Théâtre Jean-Vilar (Vitry-sur-Seine), à Chaillot (Paris), ou au Théâtre Gérard-Philipe (Saint-Denis), Jacques Lassalle est nommé directeur du Théâtre national de Strasbourg (TNS) en 1983. Sa carrière se poursuit en 1990 à la Comédie-Française qu’il orientera vers le théâtre contemporain avec l’ouverture de la salle du Vieux-Colombier. En 1993, son contrat n’est pas renouvelé. Le metteur en scène poursuit alors des créations d’auteurs classiques (Molière, Shakespeare, Goldoni) et contemporains (Vinaver, Kundera, Pirandello) et explore des collaborations à l’étranger avec le Théâtre national de Varsovie et en Chine.
Très atteint par la mort de sa femme, Jacques Lassalle avait renoncé à une création de La Cruche cassée, de Heinrich von Kleist, en avril à la Comédie-Française. Il était récemment en maison de repos, où "il n’a pas pu retrouver ses forces", a déclaré son fils à l’Agence France-Presse.
Le théâtre et l’école
Auteur prolifique, Jacques Lassalle "laisse une somme impressionnante de textes, d’articles, chroniques, réflexions théoriques et souvenirs sur le théâtre", continue Eric Ruf dans un communiqué. Le metteur en scène narre ses mémoires de théâtre dans Pauses (Actes Sud, 1990), L’Amour d’Alceste (POL, 2000) et Ici moins qu’ailleurs (POL, 2010).
En plus de ses pièces, La Madone des poubelles (Actes Sud, 2006) et Un dimanche indécis dans la vie d’Anna (Actes Sud, 2011), l’œuvre de Jacques Lassalle explore les liens entre théâtre et pédagogie, avec Conversations sur Dom Juan (POL, 1994) et Conversations sur la formation de l’acteur (Actes Sud, 2017), écrits en collaboration avec Jean-Loup Rivière. Dans Le théâtre et l’école: histoire et perspectives d'une relation passionnée (Actes Sud, 2002), le dramaturge livre son point de vue sur l’éducation artistique en compagnie d’autres enseignants et artistes.
"Le théâtre français est en deuil"
Par communiqué ou via les réseaux sociaux, les hommages à l’homme de théâtre sont nombreux. "C’est grâce à Jacques Lassalle que je suis entré à la Comédie-Française", confie Eric Ruf, qui salue la "si longue et exemplaire carrière" de son prédécesseur. Dans un communiqué publié dans la nuit de mardi à mercredi, Emmanuel Macron adresse "ses plus sincères condoléances" "à la famille du théâtre français"."La France perd une très grande figure de son théâtre, homme exigeant, curieux, inquiet, complexe, qui aura guidé des générations de comédiens et conduit des générations de spectateur au cœur du mystère théâtral", écrit l’Elysée. Sur Twitter, la ministre de la Culture, Françoise Nyssen rend hommage à la carrière du disparu en écrivant: "Le théâtre français est en deuil".