Chute de la lecture des jeunes

Mollat déploie un espace dédié aux 10-14 ans pour relancer la littérature jeunesse

Auparavant occupé par des jeux, ce nouvel espace de 90 mètres de linéaires offre 2 900 références en rayon - Photo © ED

Mollat déploie un espace dédié aux 10-14 ans pour relancer la littérature jeunesse

Face à la chute des premières lectures et du segment 8-12 ans, la librairie bordelaise a créé un nouvel espace spécialement conçu pour les préadolescents ayant appris à lire lors de la période de confinements.

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Par Éric Dupuy à Bordeaux,
Créé le 18.09.2025 à 18h04

Depuis le début du mois d'août, la librairie Mollat, à Bordeaux, expérimente un concept inédit : un espace entièrement dédié aux lecteurs de 10-14 ans. Cette initiative, portée par Adeline Macera, responsable du secteur jeunesse, répond à un constat inquiétant observé depuis trois ans, « une grosse chute sur les premières lectures », explique-t-elle à Livres Hebdo.

Une alcôve stratégiquement positionnée

Une baisse multifactorielle et profonde analysée par Adeline Macera, entre explosion du manga, développement du segment young adult à partir de 15 ans et une génération de CP, CE1 et CE2 fortement impactée par la crise du Covid en 2020. « Peut-être que les gros pavés, les lectures un peu plus ambitieuses qui pouvaient être lues avant ne sont pas adaptées » à ce public précis, qui manque donc de « prescription », relève-t-elle.

L'espace prend la forme d'une alcôve fermée, située « entre les albums, les premières lectures et le rayon scolaire ». Auparavant occupé par des jeux qui ont été déplacés dans une autre partie de la boutique de 2 700m2, ce nouvel espace de 90 mètres linéaires offre « un environnement clos » où le public visé est « entouré de livres faits pour son âge », souligne Adeline Macera, avec deux présentoirs attractifs aux abords du couloir.

Valoriser une production éditoriale existante

Loin de créer une offre ex-nihilo, l'initiative vise surtout à mettre en lumière une offre souvent noyée dans la masse. « Il y a de la production, qu’il faut mettre en valeur », confirme la libraire. Elle observe notamment « de plus en plus de romans très illustrés, voire incluant des planches de BD », adaptés à cette tranche d'âge. Actuellement, 2 900 références sont présentées en rayon.

« Le pari que je veux faire, c’est montrer aux 10-14 ans qu'il y a des livres pour eux et rappeler aux parents qu'il n'y a pas que le manga dans la vie », résume-t-elle.

Segmentation repensée

L'initiative s'accompagne d'une refonte de la segmentation en ligne. Sur le site de la librairie, l'ancien onglet « Romans 8-14 ans » a été scindé en deux catégories distinctes : 8-10 ans et 10-14 ans. « On y a donc inclus un certain nombre de références qui étaient auparavant plutôt côté ados, puisque maintenant notre rayon ados est vraiment séparé », détaille Adeline Macera.

Cette nouvelle répartition suit une logique scolaire sans s'y limiter : « Dix-quatorze c'est l'âge qu'on a quand on rentre de la sixième à la troisième. C'est comme ça que je voulais l'inclure. Et on ne l’appelle pas collège parce que je ne voulais pas qu'on puisse identifier ça à du manuel », revendique-t-elle.

Quelques semaines après son lancement, « c’est déjà très prometteur, se félicite Denis Mollat, patron de la librairie (et par ailleurs président du Cercle de la librairie, entité mère de Livres Hebdo), qui se réjouit de « cette initiative collective des libraires du pôle jeunesse » de son enseigne et trouve astucieux le fait d’avoir « mis devant les romans moins épais et présenté les titres à plus forte pagination en fond de rayon ».

Librairie Mollat à Bordeaux
L'espace prend la forme d'une alcôve fermée, située entre les albums, les premières lectures et le rayon scolaire.- Photo © ED

Du côté d'Adeline Macera, les premiers retours confirment la pertinence du concept. « En cette période de rentrée, la proximité avec les tables du parascolaire est très appréciée », confie-t-elle.

Au-delà de l'enjeu commercial, cette initiative répond également à une demande sociale, selon la libraire, qui voit dans cet espace un moyen de « pouvoir continuer le conseil auprès de différents membres d’une fratrie ».

Autonomie et diversité

L'objectif reste d’accompagner les familles « jusqu'à ce que les enfants soient autonomes et viennent chercher leurs livres tout seul », tout en répondant à la diversité des goûts. « Il n'y a pas un bon livre pour les garçons, un bon livre pour les filles. Ils ont tous des goûts très différents », conclut Adeline Macera.

Cette expérimentation bordelaise, au sein de la plus grande librairie indépendante de France revendiquant 28 millions d’euros de chiffre d’affaires, pourrait faire école dans un secteur en quête de solutions pour reconquérir cette tranche d'âge stratégique, passerelle naturelle vers la lecture adolescente et adulte.

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