À Lyon, à l’abri de la basilique de Fourvière, La Diogénoise de librairie exploite une librairie généraliste de livres anciens et d'occasion, sous l'enseigne « Librairie Diogène ». Et comme souvent, lorsque le bailleur d’une librairie change, l’augmentation de loyer ou la résiliation suit peu de temps après.
D’où la nécessité de bien connaître la procédure et les moyens légaux de se défendre. Cette décision du Tribunal judiciaire de Lyon, rendue le 7 juillet 2025 (n° 21/06398), met en lumière la procédure de détermination de l'indemnité d'éviction due à un locataire commercial à la suite d’un congé sans offre de renouvellement. Elle détaille le cadre des baux concernés, les étapes de la non-reconduction, et l'importance de l'expertise judiciaire pour évaluer les préjudices subis.
Des baux commerciaux renouvelés avant une résiliation
L’établissement de la librairie Diogène Lyonnaise avait conclu trois baux : un premier bail portait sur un local au rez-de-chaussée de l'immeuble, côté Sud de l'allée, d'une surface d'environ 38 m², lequel avait été renouvelé le 1er octobre 2010 et est arrivé à expiration le 30 septembre 2019. Un second bail concernait des locaux situés au premier étage et au sous-sol de l'immeuble, d'une surface d'environ 147 m², renouvelé le 1er janvier 2014 et arrivé à expiration le 31 décembre 2022. Enfin, un troisième bail portait sur un local au rez-de-chaussée de l'immeuble, côté Nord de l'allée, d'une surface de 33 m², renouvelé le 1er septembre 2014 et arrivé à expiration le 31 août 2023. Le bailleur finissait par céder les locaux à un autre bailleur, qui a initié une procédure de non-renouvellement des baux.
La procédure de non-renouvellement et l'action en fixation de l'indemnité d'éviction
Le nouveau bailleur délivrait à la SARL La Diogénoise de librairie des congés sans offre de renouvellement. Le premier congé a été délivré avec effet au 30 septembre 2019 pour le local situé côté Sud de l'allée. Par des actes d'huissier de justice des 20 juin 2022 et 16 février 2023, la SCI MI LY7 a également délivré des congés sans offre de renouvellement avec effet au 31 décembre 2022 pour le local du premier étage et les caves en sous-sol, et au 31 août 2023 pour le local côté Nord de l'allée.
Mais, conformément aux articles L145-14 et L145-28 du Code de commerce, un congé sans offre de renouvellement ouvre droit pour le locataire à une indemnité d'éviction, sauf exceptions prévues par la loi. Et, à défaut de détermination amiable de cette indemnité, il appartient généralement au preneur, la librairie Diogène en l’espèce, de saisir le tribunal compétent pour en obtenir la fixation.
L'expertise judiciaire pour l'évaluation de l'indemnité d'éviction
Afin de fixer cette indemnité à défaut d’accord entre les parties, une expertise judiciaire est nécessaire et le tribunal désigne alors un expert judiciaire avec pour mission de donner tous les éléments permettant de déterminer le montant de l'indemnité d'éviction due en application de l'article L145-14 du Code de commerce.
À cette fin, il est généralement demandé à l’expert judiciaire de décrire l'exploitation du commerce de librairie, en précisant ses installations, son état, son équipement et sa vétusté éventuelle. Il doit également préciser la surface du local affectée à cette exploitation et indiquer les commodités ou, au contraire, les inconvénients que les lieux présentent pour l'activité de librairie.
Un volet essentiel de sa mission consiste à l'évaluation financière de l'activité. L'expert doit donc fournir le chiffre d'affaires et les bénéfices nets des dernières années et de l'année en cours. Il doit également préciser les facteurs locaux de commercialité et, en comparaison avec des exploitations similaires effectuées dans des conditions de commercialité comparables, de rechercher la valeur marchande de l'exploitation selon les usages de la profession. Cette valeur marchande correspond à celle que le vendeur est en droit d'attendre d'une vente normale de gré à gré dans les conditions et circonstances du moment.
De plus, l'expert doit analyser les possibilités de réinstallation et l'étendue du préjudice. Il lui incombe de rechercher si la librairie pourra réinstaller son activité à proximité et si elle éprouvera des difficultés à trouver un nouveau local. Il doit aussi évaluer les délais nécessaires pour une réinstallation et estimer les frais normaux de transfert de l'exploitation, ce qui inclut les frais de déménagement, de réinstallation, les droits de mutation, et la réparation d'un éventuel trouble commercial. L'expert devra également préciser si ce transfert aura une influence sur la clientèle et s'il risque de provoquer des licenciements du personnel en examinant les projets de réinstallation de la librairie et en évaluant leur viabilité.
Valeur du fonds de commerce et préjudices accessoires
Cette décision du Tribunal judiciaire de Lyon illustre la complexité de la procédure de non-renouvellement d'un bail commercial lorsque le bailleur refuse d'offrir un renouvellement. Elle souligne l'importance cruciale de l'expertise judiciaire pour évaluer de manière contradictoire l'indemnité d'éviction, qui doit couvrir non seulement la valeur du fonds de commerce mais également les nombreux préjudices accessoires liés au transfert d'activité, tels que les frais de déménagement, de réinstallation, le trouble commercial, et l'impact sur la clientèle et le personnel.