Les députés examinent la controverse à propos des accords de la BNF

Bruno Racine, président de la BNF © Olivier Dion

Les députés examinent la controverse à propos des accords de la BNF

Des représentants de l'association SavoirCom1 et le président de la BNF, Bruno Racine, ont présenté leurs argumentations sur la numérisation de livres et de disques anciens confiée à des partenaires privés.

Par Hervé Hugueny
avec hh Créé le 15.04.2015 à 22h43

La commission culture de l'Assemblée nationale a auditionné le 10 avril Sylvère Mercier et Lionel Maurel, représentants de l'association SavoirCom1, puis Bruno Racine, président de la BNF, au sujet du programme de numérisation de 70 000 ouvrages du XVe au XVIIe siècle, et de 180 000 disques datant de la première moitié du XXe siècle.

Ce programme passe par des accords signés par la filiale BNF Partenariats avec des entreprises privées qui avancent une partie des fonds nécessaires à la numérisation en échange d'une exclusivité temporaire sur leur commercialisation, ce qui soulève une «controverse», selon l'expression de Patrick Bloche, président de la commission. Elle n'a toutefois pas débordé dans l'enceinte de l'Assemblée, où l'audition était organisée en deux parties sans échange entre les protagonistes.

Le désaccord concerne essentiellement la communication des contrats signés entre BNF Partenariats et la société ProQuest pour les livres, l'exclusivité d'accès et de commercialisation, et l'économie du projet.

S'appuyant sur leurs argumentaires saisis sur leurs tablettes respectives, les représentants de SavoirCom1 ont exposé avec détermination l'objectif de leur association, qui défend «les biens communs de la connaissance, dont font partie les oeuvres du domaine public». A cet égard, les exclusivités de 10 ans dont sont assorties les accords «constituent des privatisations du domaine public», ont-ils insisté. En évoquant les termes de différents contrats de ProQuest avec ceux d'autres bibliothèques européennes, ils ont estimé également que celui de la BNF est un des moins avantageux.

Dans la seconde partie de l'audition, Bruno Racine a répondu avec ses notes sur papier que la BNF avait bien pour objectif d'assurer l'accès le plus large possible aux documents dont elle a la conservation. «A cet égard, les incunables actuels ne sont communiqués qu'à une poignée de chercheurs, en raison de leur fragilité. Après leur numérisation, ils seront disponibles depuis les 3 000 places de la BNF.» Il en va de même pour les collections sonores, que l'accord permettra de diffuser alors qu'elles sont tout aussi fragiles, et encore sous droit d'auteur.

En regrettant une inégalité de traitement entre les chercheurs parisiens et leurs homologues provinciaux, Marcel Rogemont (PS) a notamment insisté sur le financement public via les fonds des investissements d'avenir, alors que l'accès à ces contenus numérisés depuis d'autres bibliothèques mobilisera aussi d'autres ressources publiques. Il a souligné que les contrats de ProQuest avec d'autres bibliothèques européennes incluaient un accès gratuit aux documents depuis tout le territoire des Etats concernés.

Isabelle Attard (EELV) a particulièrement regretté la non-communication des contrats, rappelant que la ministre de la Culture avait pris l'engagement qu'ils seraient transmis aux députés.

Patrick Hetzel (UMP) a insisté sur l'effort sans équivalent en Europe que représentent les différents programmes de numérisation de la BNF, et a ajouté que les exclusivités consenties n'avaient qu'un caractère très temporaire.

Le président de la BNF a expliqué qu'il attendait l'avis de la Commission d'accès aux documents administratifs (Cada), qu'il avait saisie en raison de la particularité formelle de ces accords, qui sont signés par BNF Partenariat, entreprise de droit privée, avec d'autres sociétés de même statut. Il a toutefois laissé entendre qu'il pourrait les communiquer aux députés, quel que soit cet avis.

Bruno Racine a ajouté que la BNF avait négocié la consultation entièrement libre sur Internet de 3 500 des documents numérisés, les plus accessibles au grand public, alors que la masse de l'ensemble intéresserait en priorité les chercheurs. Dans les autres bibliothèques européennes ayant aussi confié leur numérisation à ProQuest, la communication intégrale des contenus sur les territoires nationaux s'est payée de périodes d'exclusivité plus longue, a-t-il indiqué.

L'audition est consultable sur le site de l'Assemblée nationale jusqu'au 9 juillet prochain.

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