Rivière-aux-Trembles est un village fictif du Québec né de l'imagination d'Andrée A. Michaud mais cette bourgade, avec ses forêts, sa « colline aux Loups », sa « rivière aux Bleuets » est une bourgade composite dont on ne doute pas qu'elle soit un décor familier pour la romancière québécoise.
C'est aux abords de ce village que la vie de Marnie a basculé, ce 7 août 1979 où Michael, son meilleur ami, a disparu dans les bois près du « bassin magique » sur le cours de la rivière où les deux enfants de 12 ans, auto-surnommés le hibou et l'écureuil, avaient l'habitude de jouer. Le corps du garçon n'a jamais été retrouvé. Près de trente ans après ce drame, Marnie qui a quitté les lieux, chassée par les rumeurs accusatrices, et a été fleuriste pendant vingt ans à New York revient s'installer dans la maison de son père qui vient de mourir. De cette journée qu'elle a racontée tant de fois à des enquêteurs suspicieux avant de se la remémorer dans ses cauchemars, cette femme de 42 ans ne se souvient que du violent orage, du « cri de la mort » et de son ami prononçant avec des yeux terrifiés des mots devenus une énigme : « Mauvais temps, madame, mauvais temps, ne plie pas le jour. »
C'est là aussi que vient échouer Bill Richard, un auteur à succès de contes pour enfants, trois ans après la disparition de sa fille de 8 ans, Billie, sur le chemin de retour de l'école. Ce père, le deuxième narrateur du roman dont la voix s'entrelace à celle de Marnie, a fui la ville et sa vie d'avant pendant que sa femme s'enfonçait dans une rancœur et un désespoir mortels. Les deux parias, victimes désignées comme potentiellement responsables, vont se retrouver mêlés à une troisième disparition.
Plus que la résolution de l'énigme qui gardera sa part d'inexplicable, l'auteur de Bondrée (prix Quais du polar-20 Minutes 2017) et de Lazy bird (Seuil, 2010), tous deux repris en « Rivages/noir », décrit l'enfer des proches des disparus : le basculement brutal dans l'horreur, le chagrin sans fond des parents ignorants du sort de leur enfant, le deuil impossible, le sentiment de culpabilité qui menace de rendre fou, la honte des survivants mais aussi la mémoire des petits fantômes.
Rivière tremblante est dédié à « tous les enfants qui ne sont pas rentrés pour le souper », mais c'est dans les stratégies de survie de ceux qui avaient préparé le repas du soir que plonge ce prenant roman noir.
Rivière tremblante
Rivages
Tirage: 8 000 ex.
Prix: 21 euros ; 250 p.
ISBN: 978-2-7436-4483-3