« Quand le Booker Prize a été lancé en 1968, ses fondateurs Tom Maschler et Graham C. Greene ont été sponsorisés par Booker McConnell, une société de distribution alimentaire installée durablement au Guyana. » C’est sur ces lignes que s’ouvre The Booker brothers and enslavement, un article posté sur le site de l’illustre prix littéraire qui expose le passé peu reluisant de la famille Booker, son sponsor historique et notamment des frères George et Josias Booker, propriétaires de près de 200 esclaves à Démérara, sur plusieurs plantations sucrières.
Mais certaines formulations utilisées par ses auteurs n’ont pas fait l’unanimité. Quand l’animateur radio Richie Brave, lui-même descendant d'esclaves de la famille Booker, lit que les frères Booker « supervisaient les esclaves », il interpelle les administrateurs du site sur son compte X : « Bonjour le Booker Prize, j’apprécie réellement votre transparence. Les personnes africaines mentionnées ci-dessous appartiennent à ma famille. Josias & George ne les ont pas "supervisés". Ils les ont esclavagisés. Ils étaient des esclavagistes, pas des "superviseurs"». Il est rejoint dans cette dénonciation par l’historien Randy Browne, qui commente : « Le problème avec ce terme est le sens qu’y accole un lecteur du 21ᵉ siècle. Ces mots sont trop facilement décontextualisés, et adoucis. »
Un passé assumé
Hi @TheBookerPrizes, I really appreciate the transparency. The enslaved African people referenced are my family.
— Richie Brave 🇬🇾🇬🇾 (@RichieBrave) April 24, 2024
Josias & George did not "manage" my family. They enslaved them. Thats why we STILL have their last name. They were enslavers, not "managers".https://t.co/exxOhSgQd8
La dénonciation de cet héritage existe depuis les débuts du prix, quand le lauréat de 1972, John Berger, avait reversé la moitié de sa récompense aux Black Panthers. Géré par la Fondation Booker Prize depuis 2002, son organisation n’a depuis plus de liens avec Booker-McConnell, et a reconnu la facette plus sombre de sa genèse.
Réagissant aux propos de Richie Brave, elle a d’ailleurs modifié la phrase concernée et annoncé la publication future d’un article plus détaillé, écrit par un historien du Guyana. « Nous apprécions cette prise de contact, et nous reconnaissons l’importance du langage employé. Le Booker Prize est engagé pour l’excellence littéraire et l’exercice conscient de la justice. Nous continuerons de réfléchir à comment apporter ce message aux lecteurs à travers le monde », a indiqué la direction dans un communiqué.
Reconnaissant, Richie Brave a néanmoins confié au Guardian : « J’espère que le Booker s’interrogera sur son nom. Un nom qui nous a été imposé. En tant qu’organisme, ils ont le choix de le changer. À titre personnel, je ne souhaiterais pas être associé à cette histoire. »