La 15e édition de la Conférence des éditeurs de Sharjah s’est tenue le dimanche 2 novembre dans le petit émirat collé voisin de Dubaï (Émirats Arabes Unis), avant deux journées d’échanges de droits (lire ci-après) puis l’ouverture de la Foire du livre (5-16 novembre) avec 28 éditeurs africains francophones, contre 24 l’an dernier.
« On a très à cœur d'avoir des éditeurs qui viennent travailler pour réellement s'intégrer dans un écosystème mondial du livre et qui sont prêts à faire tous les efforts adéquats », souligne la consultante Agnès Debiage, qui pilote la délégation avec l’agent Raphaël Thierry.
La délégation francophone s'inscrit dans un programme plus large organisé par la Sharjah Book Authority (SBA) en collaboration avec la New York University : 161 éditeurs au total, dont 75 venus d'Afrique, ont assisté la veille de la conférence, le 1er novembre, au Training Programme for Arab and African Publishers 2025.
L'Afrique, continent émergent du livre
La session inaugurale de cette journée de formation, animée par Markus Dohle, ancien P-DG de Penguin Random House, a posé les bases stratégiques. « 86 % de la population mondiale vit dans les économies émergentes, qui affichent une croissance du PIB supérieure » à celui du Nord, rappelle-t-il, chiffrant le marché africain du livre à 18,5 milliards de dollars d'ici 2050. Son message : « C'est le meilleur moment pour l'édition depuis que Gutenberg a inventé l'imprimerie ».
Les formations ont ciblé trois axes prioritaires pour les marchés émergents : l'audiobook, le digital et l'expansion internationale. Amanda D'Acierno, présidente mondiale de Penguin Random House Audio, a mis en lumière la belle opportunité que représente « le monde arabe avec ses 400 millions de locuteurs, pour seulement 12 000 titres disponibles en arabe ». Mariana Féged, directrice générale de Bookwire MENA, a confirmé la dynamique du marché numérique arabe, dont la croissance atteint « 147 % » ces dernières années et le livre audio 71 % des revenus liés au numérique.
« Il est important de rendre vos catalogues disponibles dans tous les modèles économiques pour augmenter les opportunités de revenus », a conseillé l’Espagnole. Brooke O'Donnell, vice-présidente senior d'Independent Publishers Group, a insisté sur la nécessité de « trouver le bon partenaire de distribution » et de « tester de nouveaux marchés via l'impression à la demande, sans coûts d'inventaire initiaux importants ».
Parmi les participants, Marvin Suyru Njoka, fondateur de Zebra Comics au Cameroun, incarne cette nouvelle génération d'entrepreneurs africains du livre. Sa plateforme bilingue (anglais-français), créée en 2016, diffuse plus de 100 œuvres de bande dessinée africaine par abonnement, auxquelles s'ajoutent une cinquantaine de titres de créateurs externes. « Nous avons des histoires à raconter, affirme-t-il à Livres Hebdo Et Zebra Comics, c'est le portail vers l'Afrique pour les éditeurs étrangers cherchant à se distribuer sur le continent ».
Un rendez-vous mondial unique
Pour cet habitué des festivals BD africains (Billet de Libellé à Brazzaville, Lagos Comic Con) déjà passé une fois à Angoulême et à Quai des Bulles à Saint-Malo, mais jamais encore à Francfort, Sharjah se distingue. « Je n'aurais jamais imaginé rencontrer un éditeur russe, ukrainien, ouzbek, kazakh ou encore australien » avant de venir ici. Une diversité géographique qui contraste avec d'autres salons internationaux perçus comme plus centrés sur les marchés occidentaux.
La délégation francophone cherche désormais à pérenniser ces participations. « Chaque année, on propose de nouveaux noms aux organisateurs » précise Agnès Debiage, qui accompagne ces éditeurs dans leur recherche de partenariats, de licences et d'investisseurs. Avec toujours le même objectif : transformer la présence ponctuelle en relations commerciales durables.



