« Cette industrie n’est pas en train de mourir, elle est en train de renaître ». La formule d’Henrik Müller-Hansen, fondateur de la plateforme d’impression à la demande Gelato, a donné le ton du Canon Future Book Forum 2025, organisé les 12 et 13 novembre au centre d'expérience client européen de la marque à Poing, près de Munich.
Pour sa 11ᵉ édition, l’événement a réuni 250 professionnels - une moitié d'éditeurs, l'autre d'imprimeurs - venus d'Europe et du Moyen-Orient, pour réfléchir à l'avenir d'une chaîne logistique du livre bousculée de toutes parts. Au-delà de la démonstration industrielle, Canon assume ici un rôle « d'animateur d'écosystème ».
« C'est avant tout un lieu de réflexion et d'échanges entre éditeurs et imprimeurs sur l'avenir du livre au moment où il faut sortir de la logique de l'impression / pilon, avec 30 % de pertes systématiques. Cela n'a plus de sens aujourd'hui, et nous devons ensemble réinventer les écosystèmes de l'édition », résume Cécile Rodde, cheffe produit marketing chez Canon.
Des éditeurs en veille stratégique
Le thème de l’année, Beyond books : reinventing publishing ecosystems, donnait le cadre : penser la filière comme un système global, où production locale, flux numériques, durabilité, baisse des tirages, personnalisation et pression sur les coûts s’entremêlent. Des enjeux traversant chaque discussion et qu'une délégation de professionnels français étaient venus appréhender. « Je viens suivre les technologies et piocher bonnes idées et bonnes pratiques », indique Dominique Escartin, directeur technique chez Hatier.
« L'évènement permet de réfléchir à des stratégies globales : distribution, points de ventes, nouveaux revenus... », ajoute Yves Lhommee directeur des opérations du groupe Albin Michel, lui aussi présent dans le groupe français aux côtés de plusieurs imprimeurs. « Le but ici est de discuter du marché, de l'édition comme de l'impression, de ce qui se fait, va se faire, et de ce qu'on peut imaginer ensemble. C'est très enrichissant, et un excellent moyen d'avoir de nouvelles idées », glisse aussi Océane Lucas-Liegard, représentant l'imprimeur Corlet.
Keynotes et Ecosystem Labs
Mercredi 12 novembre, la première matinée a ainsi donné la parole à des acteurs extérieurs à l’édition pour élargir le champ de réflexion. Quand Christian Koeber (Adidas) a montré comment créer de la valeur dans des écosystèmes établis ou émergents, (en vendant par exemple des produits virtuels dans les jeux Roblox et Fortnite), Saskia Van Den Muijsenberg (biomimicryNL) a présenté une approche inspirée du vivant, et notamment des forêts, pour imaginer de nouveaux modèles collaboratifs.
Après ces keynotes, se sont enchainés de denses présentations des solutions imaginées par Canon et ses partenaires : plateformes de mise en page automatisée, outils marketing dopés à l’IA, logiciels de gestion de flux et, naturellement, machines d’impression allant de quelques dizaines de milliers d’euros à plus d’1,5 million. Au fil du traditionnel technotour, les participants ont circulé de stand en stand, observant des démonstrations très concrètes, Canon rappelant au passage équiper notamment Amazon pour ses besoins en impression à la demande.
L'occasion pour Perrine Baschieri et Julien Baleria, respectivement directrice marketing et responsable fabrication chez Glénat, de venir expliquer comment la maison utilisait la machine Press V900 dans sa stratégie de communication : impression de tirages limités, d'outils de marketing direct en point de vente ou pour des opérations B2C comme le popup store Glénat Manga.
« On peut produire de tout en bonne qualité. Économiquement, cela nous évite d'aller faire ce genre de tirages à l'extérieur, et surtout, cela nous apporte beaucoup en réactivité », souligne Julien Baleria, présentant une première version de la future adaptation d’Islander de Caryl Férey et Corentin Rouge.
Vers des entrepôts vides ?
Ont ensuite été présentées les solutions de Podiprint, spécialiste espagnol de l'impression à la demande plaidant pour des « entrepôts virtuels », de Elanders, avec son concept de « bibliothèque invisible », ou encore de Gräfe & Unzer, dont les dirigeants sont revenus sur des siècles d'innovations éditoriales, depuis les foires du livre allemandes au XVIIe siècle jusqu'aux problèmes du marché de masse actuel.
La fin de journée a été marquée par les Ecosystem Jams, ateliers collaboratifs où les participants devaient imaginer une innovation fictive en une heure avant de la pitcher sur scène. Le groupe français s’est distingué avec une proposition de vente directe et d'impression à la demande via un bouton sur les réseaux sociaux.
Le lendemain, les discussions ont porté sur la durabilité, les réglementations et les nouveaux modèles économiques. Certains ont défendu le « zéro stock et le 100 % digital », d’autres une évolution de l’éditeur en fournisseur de contenus ou créateur d'écosystème, à l'instar de l'éditeur scolaire égyptien Nahdet Misr et des 28 start-ups qu'il accompagne. Tout ceci concourant désormais à faire du livre imprimé « un simple élément physique d'un écosystème digital bien plus global », d'après les mots d'Alberto Sanchez Venega de Podiprint.


