Après l’annonce de la non-reconduction de 9e Art + à l'organisation du Festival international de la bande dessinée d'Angoulême (FIBD) au-delà de 2027, les éditeurs, l'organisation et les auteurs expriment à la fois prudence, soulagement et volonté de dialogue, alors que le festival prépare l’édition 2026, du 29 janvier au 1er février.
Le syndicat des auteurs maintient le boycott
Pour les auteurs, qui étaient nombreux à appeler au boycott de la prochaine édition, la prudence reste de mise. Le Syndicat des travailleurs artistes auteurs de BD (STAA CNT-SO), ne lève pas son mot d’ordre : « Malgré les déclarations de ce matin, le boycott est maintenu. Nous ne sommes pas dupes : les communiqués ne promettent que ce qui aurait déjà dû être fait et respecté dès janvier 2025. » Contacté par Livres Hebdo, le syndicat confirme le boycott de l'auteur de manga Otomo, Grand prix 2016.
Frédéric Lavabre : « Sans auteur pas de festival »
Du côté des éditions Sarbacane, le fondateur Frédéric Lavabre, joint par Livres Hebdo, estime qu'il « est temps de rebattre les cartes et de préparer le festival de l'avenir ». L'éditeur, qui avait annoncé le boycott du festival dans un communiqué daté du 12 novembre, salue la prise de conscience de la mairie, mais exprime ses réserves face à une décision qu’il juge tardive, en pointant la responsabilité de Delphine Groux, présidente du FIBD.
Peu convaincu par le maintien d'une édition 2026, Frédéric Lavabre rappelle que « sans auteur, pas de festival » et encourage ses confrères à « ne pas confondre vitesse et précipitation ».
Le groupe Bamboo Édition, absent du FIBD depuis plus de 16 ans, prend également acte du changement : « Les annonces récentes ouvrent une nouvelle étape pour le festival. Nous resterons attentifs aux évolutions à venir, notamment aux engagements qui seront pris pour redonner un cadre respectueux des auteurs et fidèle à ce que doit rester la bande dessinée : populaire, familiale et vivante. »
Décision attendue du groupe BD du SNE
Le groupe, qui organise depuis six ans une librairie éphémère indépendante à Angoulême, ne ferme pas la porte à un retour en 2026 « si les auteurs et le public le souhaitent ».
Pour Serge Ewenczyk, fondateur des éditions Çà et Là, le départ de Franck Bondoux est une étape nécessaire, mais pas suffisante : « Très bien, c’était important qu’il le fasse. Maintenant il faut que l'association, qui est très largement responsable de la crise actuelle […] passe la main. Elle n'est plus en position de déterminer l'avenir du Festival », s'est exprimé l'éditeur sur un post Facebook. Contacté par Livres Hebdo, Serge Ewenczyk envisage de revenir à Angoulême si les collectivités locales venaient à prendre la main sur l'évènement.
Les membres du groupe BD du Syndicat national de l'édition, qui rassemble les principaux acteurs de la filière (Dargaud, Casterman, Denoël, Glénat, Sarbacane, Delcourt, Dupuis, Le Lombard, Rue de Sèvres...), devaient quant à eux se réunir ce 13 novembre dans la soirée dans les locaux du syndicat pour prendre une décision collective.
9e Art + appelle au dialogue malgré sa mise à l’écart
Dans un communiqué, 9e Art + indique prendre acte de son exclusion après 2027 et se dit favorable à un apaisement avec les auteurs et les éditeurs : « Le festival est par son ampleur, son rayonnement et son caractère exclusivement dédié au 9e art, une manifestation unique en Europe », indique l'organisation, qui rappelle aussi « qu'elle ne peut continuer à exister et à s’épanouir dans un contexte de tensions. »
Le délégataire historique appelle à l’instauration immédiate d’un dialogue avec les financeurs publics et à une relation restaurée avec les auteurs et éditeurs, précisant que la continuité et la préparation des deux prochaines éditions seront assurées par l’équipe actuelle, sous la direction de Clémentine Hustin et Fausto Fasulo (direction artistique), Noémie de La Soujeole (directrice commerciale) et Stanislas Bonnin (directeur technique). Franck Bondoux, directeur de 9e Art +, indique pour sa part qu'il restera en retrait.
Franck Bondoux : « L’idée n’est pas de suicider le festival »
Pour le patron de de 9e Art + interrogé par Livres Hebdo, la décision de l’association est acceptée et comprise dans l’intérêt du festival : « Une rupture pourrait faire du mal. 9e Art + a travaillé pendant 20 ans pour faire de l’événement ce qu’il est. L’idée n’est pas de suicider le festival, mais de considérer son intérêt pour la BD et le rayonnement de la bande dessinée francophone, ce que je considère aussi. Je n’avais pas prévu d’être là en 2028, et je ne ferai pas obstacle à la continuité. »
Il souligne également la nécessité de maintenir l’expertise de l’équipe 9e Art + : « Je forme des vœux pour que le dialogue se renouvelle, en mettant en avant les équipes de 9e Art +. Il est essentiel que l’expertise perdure, avec la reprise des collaborateurs. » Franck Bondoux insiste sur le fait que l’édition 2026, en préparation depuis plusieurs mois, bénéficie désormais des principales demandes satisfaites et qu’il souhaite un engagement clair de tous les acteurs du secteur.
Pierre-Yves Bérenguer : « Nous attendons que le contexte se précise »
Pour Pierre-Yves Bérenguer, dirigeant de Paris Livres Événements, candidat malheureux au précédent appel d’offres, cette décision tardive doit marquer le début d'un temps « consacré à l’apaisement et à l’écoute des autrices, auteurs, éditrices et éditeurs, pour refonder un projet festivalier angoumoisin digne de ce nom et de son public. »
Le professionnel réserve encore sa réponse quant à une participation au nouvel appel d'offres : « Nous attendons que le contexte se précise du côté des parties prenantes publiques, sans doute en début de semaine prochaine et que des annonces officielles soient faites sur les éditions 2026 et 2027. Selon ces prochaines données et prise de position, nous prendrons la décision de candidater ou pas à une nouvelle mise en concurrence. »
