Vichy
Parce qu'elle demeure une période trouble, Vichy nous parle aujourd'hui encore de la fragilité des démocraties. « Vichy, c'est à la fois très loin et très proche, car les ressorts des individus, les mots qu'ils utilisent et leurs cadres de pensée ne sont pas éloignés de ceux qui estiment finie la démocratie libérale. La régression actuelle fonctionne avec les mêmes mots car Vichy n'est rien d'autre que l'arrivée au pouvoir des idées d'extrême droite », explique Laurent Joly, directeur de recherche au CNRS, reconnu, par ses travaux, ses biographies et ses interventions dans le débat public, comme l'un des meilleurs connaisseurs du régime de Vichy.
Paxton
À l'université, sa professeure, Rebecca Rogers, lui conseille de lire Robert Paxton. « Vous verrez, il y a des notes ! » C'est ainsi qu'à 18 ans, il découvre La France de Vichy (Seuil, 1973). « Après lecture, je me dis que je veux faire des livres comme ça, avec des notes, une argumentation solide, une thèse. Par la suite, je découvre chez un bouquiniste de Strasbourg Vichy et les Juifs (Calmann-Lévy, 1981) de Robert Paxton et Michael Marrus, puis à la bibliothèque de l'Institut d'histoire contemporaine, je tombe sur les mémoires de Xavier Vallat qui fut commissaire général aux questions juives. Tout est parti de là. »
Collectif
Pendant cinq ans, Laurent Joly a été le chef d'orchestre de Vichy, histoire d'une dictature. « L'intérêt de la démarche réside en deux points : avoir réussi à réunir les meilleurs spécialistes internationaux de la période - Anne-Sophie Anglaret, Tal Bruttmann, Bernard Costagliola, Julian Jackson, Eric Jennings, Michael Mayer, Renaud Meltz, Virginie Sansico, Raphaël Spina, Bénédicte Vergez-Chaignon - et proposer un récit cohérent qui apporte un regard neuf, en examinant notamment les coulisses de ce régime et sa chronologie. »
Falsification
En réponse à Éric Zemmour et à ses affidés qui véhiculent des contre-vérités sur Vichy, il publie chez Grasset en 2022 La falsification de l'histoire. Le succès du livre témoigne de la demande de clarification de la part du public. « L'historien ne juge pas le passé, mais il doit tout de même donner son interprétation à partir d'archives et de faits avérés. Il ne s'agit ni de noircir le tableau, ni de dégrader la vision du pays, mais au contraire de dire ce qui fut avec toute la nuance requise, y compris sur les marges de manœuvre de chacun. »
Dictature
Dans les années 1970, on préférait qualifier Vichy de régime autoritaire plutôt que de dictature. « Aujourd'hui, ce mot nous parle davantage, nous l'avons choisi pour cela. Il est plus efficace aussi parce que nous sommes dans des démocraties qui peuvent basculer dans des régimes autoritaires. Jusqu'alors on n'imaginait pas que les deux systèmes puissent cohabiter. Ce qui se passe aux États-Unis ou ailleurs témoigne de la fragilité des institutions. C'est pourquoi depuis 1945, la droite gaulliste s'est toujours refusée à l'alliance avec l'extrême droite, en souvenir de cette union qui a permis Vichy. »
Vichy. Histoire d'une dictature, 1940-1944
Tallandier
Tirage: 12 000 ex.
Prix: 26,50 € ; 560 p.
ISBN: 9791021059269