Boudé par les académiciens Goncourt en finale la veille, Emmanuel Carrère a obtenu le prix Médicis 2025 pour son roman Kolkhoze, paru chez P.O.L. La récompense, cinquième Médicis de la maison depuis celui obtenu en 2011 par Mathieu Lindon, permet à l’auteur, déjà lauréat par le passé des prix Renaudot (en 2011 pour Limonov) et Femina (en 1995 pour La Classe de neige), de compter parmi les écrivains les plus primés aux grands prix d'automne.
La cérémonie s'est tenue mercredi 5 novembre au restaurant La Méditerranée à Paris, entièrement privatisé pour l’occasion à la faveur d’un nouveau sponsor du prix, la fondation américaine GRoW @ Annenberg.
Promouvoir la diffusion et la traduction d’œuvres françaises
Cette dernière offre également la possibilité au jury d’attribuer une nouvelle bourse pour la traduction en langue anglaise des lauréats romans et essais. Anne F. Garréta, membre du jury, précise à Livres Hebdo sans révéler de montant, que le prix Médicis se laisse la liberté d’utiliser les fonds retenus « sans être légaliste » mais en poursuivant l’objectif de « diffusion et traduction des œuvres francophones le plus largement possible ».
Emmanuel Carrère, dont le roman Kolkhoze est déjà en cours de traduction en anglais et 29 autres langues, a semblé particulièrement heureux d’avoir collecté le plus de suffrages auprès des écrivains du prix Médicis. « C'est le premier prix littéraire qui avait compté pour moi parce que c'était le prix qui avait été donné à Georges Perec pour La vie, mode d'emploi en 1978 », a-t-il déclaré. L'auteur a également rendu hommage à trois membres du jury disparus ces dernières années : Anne Wiazemsky, Emmanuèle Bernheim et Frédéric Mitterrand.
Une « histoire particulière » entre P.O.L et le Médicis
Ce prix Médicis est le cinquième pour P.O.L, dont le dernier remonte à 2022, alors remis à Emmanuelle Bayamack-Tam pour La Treizième heure, écoulé à plus de 40 000 exemplaires tous formats confondus, selon NielsenIQ BookData, dont près de la moitié en grand format. « C'est un prix qui a une histoire particulière avec cette maison d'édition », rappelle à Livres Hebdo Frédéric Boyer, le patron de la maison liée au groupe Madrigall.
Une « remise en place importante » de Kolkhoze, déjà écoulé à 140 000 exemplaires est prévue en librairie, accompagnée d'opérations médiatiques et de rencontres avec l'auteur.
« La réception internationale d'Emmanuel Carrère est assez exceptionnelle », note l'éditeur qui se réjouit d’un article paru cette semaine dans le New York Times. Interrogé sur la perspective d'un Nobel pour Emmanuel Carrère, Frédéric Boyer ne se dérobe pas. « On sait qu'il est parmi les auteurs français qui sont cités régulièrement », conclut-il.
Un prix qui n’existe pas « décrit parfaitement mon travail »
En roman étranger, la Britannique Nina Allan remporte le prix pour Les Bons Voisins, traduit par Bernard Sigaud (Tristram). « C'est un très grand honneur de se retrouver dans le même espace qu'Emmanuel Carrère, dont j'aime le travail », a-t-elle déclaré. Elle a salué son traducteur, absent mercredi, et rappelé que sa première rencontre avec son éditeur Jean-Hubert Gailliot remontait à 13 ans, « au café des Éditeurs, juste à quelques pas d'ici ». « C'est une très courte distance, mais un très long voyage », a-t-elle ajouté.
Péter Nádas reçoit un prix spécial du jury pour Ce qui luit dans les ténèbres, traduit du hongrois par Sophie Aude (Noir sur Blanc). David Bosc, son éditeur français, a lu un message de l'auteur hongrois, âgé de 82 ans et qui n'a pu faire le déplacement : « Un prix spécial qui d'ailleurs n'existe pas, décrit parfaitement mon travail. Je suis pour tout ce qui est contre et contre tout ce qui est pour. Un coup de génie du jury, j'en suis sincèrement touché au cœur », a-t-il écrit.
En essai, Fabrice Gabriel est couronné pour Au cinéma Central (Mercure de France). Colette Fellous, directrice de la collection « Traits et portraits » qui a publié le texte, a transmis les remerciements de l'auteur, retenu à Chambéry. « Il était particulièrement touché que ce soit le prix Médicis, parce que c'est un prix attribué par des écrivains », a-t-elle rapporté. Ce dernier pourrait être le premier auteur à bénéficier de la bourse de traduction du prix Médicis, qui pour cette 67e édition, est entré dans une nouvelle ère.
