Le prix Renaudot 2025 a réservé une double surprise lundi. Adélaïde de Clermont-Tonnerre l'emporte pour son roman Je voulais vivre (Grasset), tandis qu'Alfred de Montesquiou reçoit le prix Renaudot essai pour Le Crépuscule des hommes (Robert Laffont) alors même qu'il ne figurait pas dans la liste finale.
Un repêchage inattendu pour Montesquiou
« C'était inattendu », résume Alice d'Andigné, éditrice de l’écrivain chez Robert Laffont. L'auteur, absent lors de l'annonce car en visite à la prison de Villepinte dans le cadre du Goncourt des détenus, figurait sur la première liste mais plus dans la deuxième. « Ils en ont reparlé entre eux, et ça a fait une sorte de consensus », explique l'éditrice, informée à 12h45 par Jean-Noël Pancrazi (secrétaire général du prix Renaudot) et Frédéric Beigbeder, avec « la voix absente mais très convaincante de Jean-Marie Le Clézio qui avait lu le livre cet été », révèle-t-elle.
Le titre, consacré au procès de Nuremberg à travers le regard des écrivains et journalistes présents, totalisait déjà 15 000 exemplaires vendus avant le prix. Catherine Lauprêtre, directrice commerciale de Robert Laffont, a immédiatement lancé une réimpression de 15 000 exemplaires. Concernant les droits du livre, ils ont déjà été vendus en Italie et sont en cours de cession en langue anglaise.
« Un adjuvant » vital pour une rentrée en difficulté
Chez Grasset, Olivier Nora, P-DG du groupe, place le prix dans un contexte économique tendu. « C'est une année qui est très difficile, souligne-t-il à Livres Hebdo. Chacun des compétiteurs avait aussi besoin d'un prix parce qu'on arrive vers la fin de l'année, tous très en retard sur nos budgets, et il est évident qu'un adjuvant de cette nature peut transformer complètement le tir au but de fin d'année ».
Le dirigeant a rappelé les contraintes logistiques qui pèsent sur les éditeurs : « L'accès au papier suppose une telle anticipation que si vous voulez être en situation de livrer un titre couronné d’un prix rapidement, il faut commander le papier dès le premier tour. » Résultat : les éditeurs se retrouvent « avec 10, 20, 30, 40 tonnes de papier commandés, dont vous n'en avez pas l'usage si vous n’avez pas eu de prix et qui dégradent considérablement vos bilans de fin d'année puisqu'il faut provisionner les surprovisions de papier ».
Pour tous les finalistes, « la logistique est prévue » avec des grilles de mise en place décidées par les libraires et du papier commandé en amont. « On mesure mal ce qui se joue dans le fait que le pouce est levé ou qu'il est baissé », conclut Olivier Nora, également éditeur du précédent lauréat Gaël Faye, évoquant « beaucoup de facteurs qui fragilisent la littérature en ce moment ».
Une reconnaissance littéraire bouleversante
Loin des préoccupations éditoriales, Adélaïde de Clermont-Tonnerre, couronnée pour son roman sur Milady de Winter, accueille le prix avec émotion. « J'ai le sentiment que ça change une vie d'auteur. Pendant des années, je ne me sentais pas du tout autorisée à écrire », explique-t-elle à Livres Hebdo. L'autrice voit dans cette reconnaissance la possibilité pour son héroïne « d'aller vers des lecteurs qui vont la prendre, l'emporter, la faire vivre, la faire voyager ».
Pour Grasset, c'est la deuxième année consécutive qu'un auteur de la maison reçoit le Renaudot. « Nous ne sommes pas couronnés du Renaudot. Des auteurs ont eu le prix Renaudot », rectifie Olivier Nora, insistant sur la distinction entre succès de l'éditeur et reconnaissance des écrivains.
