Le garçon et le scribe. Quoique déjà anciennes, les circonstances sont connues : en février 1988, à la suite d'un procès en correctionnelle de la « mouvance » Action directe, Dan Franck est condamné à dix-huit mois de prison avec sursis. L'écrivain avait été étroitement surveillé dès le printemps 1983 et arrêté le 16 octobre 1984, le jour de son trente-deuxième anniversaire. Puis incarcéré à la prison de la Santé, jusqu'au 26 novembre, un temps à l'isolement complet. Il pouvait juste écrire le récit de sa mésaventure, et, à la faveur d'un accord passé entre l'éditeur (Carrère/Michel Lafon) et le juge (Jean-Louis Bruguière), il avait pu continuer son travail de prête-plume sur le livre de Rika Zaraï, Ma médecine naturelle. Paru en 1985, l'opus s'est vendu à plusieurs millions d'exemplaires. Dan Franck avait été dénoncé à la police par une lettre anonyme le 10 août 1983. Il apprendra qu'elle avait été rédigée par une certaine Frédérique, elle-même impliquée dans l'histoire parce qu'elle était amoureuse d'un caïd, dit le Garçon. Ce dernier avait manipulé, entraîné puis lâché plusieurs personnes dans sa dérive criminelle, dont Dan Franck, surnommé le Scribe par la bande.
Ami d'enfance du Garçon, ayant partagé avec lui les illusions de Mai 68, séduit, fasciné, il avait accepté, sans poser aucune question, de lui louer son studio du Ve arrondissement, -utilisé comme planque et Q.G. par des gens plus que louches, comme Nadine et Robert, soit Nathalie Ménigon et Jean-Marc Rouillan, des assassins. Le Garçon était également lié à l'écrivaine Paula Jacques, laquelle fut aussi condamnée par la justice. Tout cela, la police le savait déjà, comme elle savait que l'écrivain, dans sa candeur, sa fidélité à sa jeunesse gauchiste, n'avait été complice de rien d'autre. Mais ce qui a aggravé son cas, c'est qu'il a menti aux enquêteurs puis au juge, pour protéger ses « amis ». Bien plus tard, il a revu l'un des inspecteurs, qu'il appelle le Bordelais, et celui-ci lui a confié que, s'il avait dit la vérité, il n'aurait jamais fait de prison.
Cette histoire douloureuse, en partie écrite à la Santé, Dan Franck a failli en faire un livre plusieurs fois. Avant d'y renoncer. Et puis il a rouvert en 2016 son dossier bleu, à cause de sa notice sur Wikipédia. Masochisme ? Peut-être. Volonté de se mettre au net avec sa conscience, ses proches, qui l'ont tous soutenu durant cette épreuve : son père, son frère, son épouse d'alors, Élisabeth, à qui il rend hommage ? Sans doute. Mais par-delà l'anecdote, qui nous renvoie à des années de plomb que l'on préférerait oublier, il y a la littérature, toujours. D'où ce livre confession composite, qui se lit comme un thriller. On aura plaisir à y retrouver quelques grandes figures du milieu littéraire des années 1980, dont les éditrices de Dan Franck, Françoise Verny et Simone Gallimard. Elles sont même venues témoigner au procès qu'un écrivain de talent ne pouvait être le complice de gangsters ! Solidarité de caste.
L'arrestation
Grasset
Tirage: 13 000 ex.
Prix: 20 € ; 304 p.
ISBN: 9782246835455