Avec le temps va... Et puis un jour, on a l'âge des parents... Qu'on soit parent ou pas, ça ne change rien. Sans crier gare, le chiffre est là, qui confirme qu'on est non seulement des adultes mais qu'on est vieux. « Senior », « daron », selon l'interlocuteur. On a l'âge qu'on a sans avoir été prévenu malgré ces signes extérieurs de vieillesse qui ne trompent pas, en dépit de nos efforts au sport et notre soin à la toilette dont l'horloge biologique n'a cure. On est surpris, puisqu'à l'intérieur on ressent pareil. Ou presque. L'idéal d'antan est un étendard troué qui flotte encore aux vents mauvais d'un siècle hostile, le désir brûle quoiqu'il ne soit pas rare qu'il soit en berne. « Avec le temps va, tout s'en va... » comme dit la chanson.

Dans Tout ce qui nous était à venir, à travers une écriture tant fluide que profonde, Jane Sautière observe les effets de l'âge et se fait la voix d'une génération qui vieillit. L'autrice de Nullipare (Verticales, 2008) est cette voix féminine, singulière, à la fois ténue et forte. Alors que ses livres précédents faisaient miroiter diverses facettes de sa biographie tel un kaléidoscope sensitif de souvenirs d'enfance et d'amour, d'exils et de deuils, ici l'intime rejoint le collectif, devient son truchement grâce à une écriture inclusive qui étonne. Ce chant du crépuscule est sans pathos : l'énumération des outrages du temps sur notre corps sénescent est d'une précision distanciée, le funeste diagnostic est désamorcé par l'ironie, racheté par la poésie. C'est au fond l'éloge du fragile et du fugace. « La vieillesse rend toute proximité, toute chose accessible, merveilleuse. En vieillissant il n'y a plus de méprisable. »