Nobel en colère. Mais qu'allait-il donc faire dans cette galère ? En octobre 1986, Claude Simon, auréolé de son tout récent prix Nobel de littérature, accepte de se rendre, via Moscou, à Issyk-Kul, station lacustre du Kirghizistan alors soviétique, en pleine perestroïka, pour participer à un forum sur « les objectifs de l'humanité dans le troisième millénaire à l'échelle mondiale ». Bigre ! Y sont réunis dix-huit intellectuels plus ou moins sympathisants communistes, dont James Baldwin, Arthur Miller, Yachar Kemal, Federico Mayor et Peter Ustinov. Le résultat, apparemment, fut lamentable. Et, au retour, l'escale à Moscou et la réception au Kremlin n'arrangèrent rien. Du coup, Simon refusa de signer la première déclaration finale, et écrivit à Mayor, directeur adjoint de l'Unesco, une véritable philippique, avant de parapher une version en français, amendée, de la malheureuse résolution. La qualifiant de catalogue de « vœux pieux », de « puérilité », de « creuse emphase » et ses rédacteurs de « bouffons ». Cette lettre, dont Le Monde avait publié quelques extraits le 5 décembre 1986, conservée à la bibliothèque littéraire Jacques-Doucet, était restée inédite dans sa version intégrale. La voici publiée dans toute sa force, son indignation, apologie de la liberté absolue du créateur, de son rôle de défenseur des droits de l'homme, quitte à déplaire à tous les pouvoirs. Cette mésaventure, savoureuse, a ensuite inspiré à Claude Simon une satire pleine d'ironie, L'invitation, parue en 1988.
"Mon travail d'écrivain n'autorise à mes yeux aucune concession". Lettre à Federico Mayor
Les Éditions du Chemin de fer
Tirage: 1500 ex.
Prix: 9,50 € ; 32 p.
ISBN: 9782490356508